Construction de L’UMA : Enjeu majeur et démocratie Mineure
Ces derniers mois, la Construction de l’UMA a accaparé la scène politique sous forme de contacts officiels et autres discussions bilatérales entre les principales composantes de cette entité. Rien d’inhabituel en cela pour notre génération qui a grandi avec ce Rêve pour ce qu’il comporte comme promesses de bien être ,de stabilité et de paix pour les peuples de la région . Ni de surprenant non plus, tant il s’inscrit parfaitement dans l’air du temps avec la prolifération des ensembles régionaux tout autour de nous … Ce dossier a déjà été exhumé du tiroir à maintes reprises par le passé , juste le temps de sortir d’une mauvaise passe ici ou là , mais à chaque fois , il est retourné aussitôt après à sa place ! A tel point même que le rêve a fini par meubler le patrimoine folklorique régional ! Certes, mais on décèle quand même une plus forte conviction chez les promoteurs directs qui , à l’unisson et en parfaite harmonie , lui ont imprimé une si forte impulsion qu’on se dit que cette fois ci , c’est bien parti pour aller jusqu’au bout…. Cette frénésie et cet allant ne laissent aucun doute quant au changement profond intervenu dans l’approche adoptée jusque là pour ce dossier qui a sauté brusquement au statut de Cause existentielle pour les pays concernés. Incontestablement , une coordination des opérations est intervenue quelque part ce qui en principe est en soi un raisonnable motif d’espoir et un gage de réussite .
Mohammed el djazairi
Mais maintenant que les choses sont devenues sérieuses, il serait opportun de remettre sur la table les grands axes de ce Projet Maghrébin et d‘aborder certaines questions éludées carrément par le passé .Même des choses pourtant essentielles comme la Finalité et les Objectifs fondamentaux de cette entité ! Ce qui donne raison aux sceptiques de tous bords !
Auparavant, voyons d’abord ce qui a pu motiver cette nouvelle relance du dossier et cette émancipation du Projet UMA. Au niveau des pays maghrébins eux-mêmes , rien de nouveau mis à part l’avènement de la révolution populaire en Tunisie et du « printemps arabe » en Libye. Ces pays étant encore engagés dans de grands chantiers prioritaires de reconstruction institutionnelle et de remodelage de leur Etat, on peut dire que ce facteur militait plutôt pour un report de l’examen du dossier UMA . La perspective d’intégration au sein du CCG miroitée au Royaume du Maroc et le fol enthousiasme qu’elle a suscité au niveau de ce dernier, vont aussi dans le même sens .Elle a aussi le mérite de dévoiler toute l’étendue de l’attachement marocain au Projet Maghrébin !
Pour ce qui concerne l’Algérie, épine dorsale de fait de l’UMA , en l’absence de tout Plan de Développement et de Politique économique affichés, elle a consacré ses énormes recettes devises exclusivement dans des projets d’infrastructures de base et dans la recherche de la paix sociale. Il y a un énorme et très urgent débat à ouvrir à ce sujet. Mais pour nous limiter à l’objet , disons simplement que cela n’a aucune incidence directe sur l’UMA qui pouvait donc tout aussi bien rester comme c’est le cas chez tous nos voisins, dans le panier des « affaires reportées à une date ultérieure » …
Par contre, l’évolution enregistrée sur la gestion de la question du Sahara Occidental à travers la décision des deux « antagonistes » de s’en remettre à l’arbitrage des Nations Unies, constitue, lui, un paramètres très significatif et déterminant sur le Projet UMA . En effet les divergences de principes sur le devenir du Sahara Occidental ayant toujours été perçues et présentées comme le principal verrou à la concrétisation de ce Grand Maghreb, il est clair qu’il y a là motif d’espoir et d’encouragement pour aller de l’avant dans la voie de l’UMA…Finalement , il y a donc bien au moins une raison valable pour évacuer les éventuels malentendus sur les motivations qui sont derrière ce regain d’intérêt pour l’UMA !
Parmi les questions reportées , il faut en premier voir quelle rôle est assigné à cette entité envisagée et quels sont ses référents historiques .Ainsi, et pour regarder juste autour de nous, veut on par exemple une UMA de type UE ; UE fondée à l’origine essentiellement sur des considérations économiques. Par la suite, par touches successives, des évolutions pragmatiques lui ont été imprimées pour intégrer le domaine monétaire , certains aspects de la politique extérieure et, bientôt très probablement, le système de défense militaire…
Ou bien la voie empruntée par les royaumes du Golf Persique qui ont mis en place, très rapidement il faut dire, leur organisation dénommée CCG qui a pris le contre-pied des européens et s’est limitée à la coordination et à l’unification de leur politique extérieure dans ses grandes lignes.
Parlons aussi du fameux projet de l’UPM ( Union Pour la Méditerranée) qui est né dans des circonstances particulières liées directement au « règlement » de la Question Palestinienne et au désengagement militaire des USA du Moyen Orient. Avec les bouleversements en Egypte, les tergiversations Turques vis-à-vis d’Israël, le blocage de l’adhésion de la Turquie à l’UE …Ce Projet est pratiquement mort avant sa naissance. Emporté par son ambition démesurée et son excès de volontarisme !
Sans aller dans les comparaisons ou évaluations, qui nécessitent une analyse beaucoup plus approfondie, relevons par contre le réalisme qui a présidé ailleurs : réalisme dans la démarche de construction pour ce qui a trait à l’UE et réalisme dans la finalité pour ce qui est du CCG.
Et pour l’UMA ? Les Etats maghrébins ayant évolué sans aucune concertation ou coordination, même pas dans un cadre informel, chaque pays a limité son développement à l’exploitation de ses ressources naturelles propres : secteur énergétique ou agriculture –pêche et tourisme. Dans la plupart de ces pays, l’évolution s’est même faite à vue !
Trop étriquées donc comme structures économiques pour assoir une entité viable et rentable pour les peuples de la région. Résultat de ces évolutions en solitaires , cinq pays enfoncés dans le sous développement avec une industrie embryonnaire et plutôt en régression , cinq clones concurrents qui ne présentent aucun potentiel de coopération et de développement intégré . Comme pour noircir encore ce tableau, illustrons l’absence totale de vision maghrébine, en disant que le Maroc n' envisage rien moins que la construction de raffineries pétrolières !
Au niveau économique donc , fondement et seul gage de viabilité pour de tels ensembles , la réalité du terrain même en tenant compte des relations potentielles dans un proche avenir, ne comporte rien qui ne puisse être réglé par de simples accords ou contrats commerciaux classiques notamment dans les échanges énergétiques et agricoles !
Ceci pour dire que le modèle UE est loin de s’imposer.
Sur la base de ce qui a précédé , l’exemple de nos frères du Golf Persique , parait le plus indiqué pour notre région. Mais là aussi, les profondes divergences dans les systèmes politiques des Etats du Maghreb ,d’une part, et dans les alliances extérieures ,d’autre part, n’ouvrent aucune brèche pour une construction sérieuse et durable de l’UMA. Le « modèle » CCG est donc à son tour hors de portée et largement irréaliste .
Dans ces conditions , il semble évident que la constitution de l’UMA soit encore très prématurée et n’offre aucun intérêt réel pour les peuples de la région .On peut à peine entrevoir un intérêt individuel des pays non pétroliers …aux détriments des pays pétroliers. Très insuffisant pour se lancer dans la mise en place d’une structure aussi lourde , budgétivore et parfaitement inutile. Il serait peut être plus indiqué de préparer d’abord les conditions en commençant par mettre en place des outils de concertation informels principalement dans le domaine économique ou, juste pour rêver un peu, une Banque Maghrébine de promotion et de financement des INVESTISSEMENTS
Cherchons donc ailleurs les raisons de cette relance soudaine de l’UMA : au niveau des Etats-Unis qui viennent de mettre les deux pieds dans le plat de l’UMA avec la visite de H . Clinton et au niveau des dirigeants des pays du Maghreb. Remarquons qu’on aurait bien pu commencer directement par là , mais pour plus de compréhension il fallait bien faire ce détour….!
Pour les Etats-Unis, l’enjeu au niveau de l’UMA réside dans le fait qu’ils essaient de réunir certaines conditions locales pour assurer le succès de leur stratégie de repli du Moyen Orient. Sur ce volet , on peut citer : le traitement de la fausse note représentée par le système politique Syrien qui refuse de négocier sa soumission à Israël , soutient les Résistance Libanaise et Palestinienne et ouvre un boulevard pour la diffusion du très performant modèle de développement scientifique et technologique iranien . Ce qu’Israël juge très menaçant pour sa sécurité ; Astreindre l’Iran à venir à la table des négociations pour lui arracher des garanties concernant les intérêts US dans la région et l’amener à réduire sa pression sur Israël . Le discours et les arguments frappants de l’Iran inquiètent sérieusement Israël et lui donnent par la même un prétexte pour entraver son adhésion à la solution étasunienne et bloquer toute avancée sur la question palestinienne . Un retard devenu insupportable pour les USA pris dans l’étau de cette Crise économique qui peut parfaitement les mettre dans le corbillard emprunté par l’Union Soviétique . Enfin, « conseiller » autant que possibles les nouveaux systèmes politiques post-r évolutionnaires arabes , pour les fixer dans sa cour et …Promouvoir la Normalisation arabo-israélienne . Normalisation : une autre exigence israélienne. Tout est dit .
Cette Normalisation a déjà été inscrite comme clause essentielle et quasi unique dans le cahier des charges de la fameuse UPM. Mais un concours de circonstances défavorables , comme on l’a vu , ayant mis pratiquement fin à l'existence de cette dernière avant qu’elle ne remplisse sa mission , les USA ont apparemment décidé de faire un autre essai avec la Ligue arabe , le CCG et l’UMA...
Tout le monde sait que cette Normalisation est une question très sensible et délicate que les dirigeants arabes appréhendent au plus haut point .Surtout maintenant. Le rapport avec l’UMA ? Il réside dans une idée très simple qui a fait ses preuves avec l’Autorité palestinienne lors de ses concessions répétées et sans contrepartie envers Israël. C’était toujours accompagné ou précédé de la formule magique « pour ne pas sortir du consensus des frères arabes » ! On a vu , à une plus grand échelle, la même technique mise à l’œuvre avec un succès inimaginable au niveau de la Ligue Arabe , lors de l’examen du cas Syrien . Des adaptations aux exigences particulières, une personnalisation donc, sont même possibles. Comme par exemple celle de permettre à tel ou tel dirigeants de marquer sa différence ou son désaccord ,en le médiatisant même… Tant que c’est sans conséquence sur la décision finale , pourquoi pas ! Dés lors, n’est il pas judicieux de transposer cette technique à l’UMA par exemple et multiplier ainsi ces « centres de décisions confortables » et les possibilités de manœuvre .En prévision aussi d’une usure rapide et d’un éclatement anticipé de la Ligue arabe , soumise à un rythme inhabituel et poussée dans un sens contraire à ses statuts. Surtout qu’il y a plusieurs exigences à faire passer ! Il suffit en fin de compte de promouvoir la création d’ interfaces entre les dirigeants arabes et les décisions « délicates » .Ce n’est plus tel ou tel dirigeant arabe qui a voté pour ceci ou cela , mais la ligue arabe ou le CCG qui a décidé pour tout le monde . Plus tard , ce serait aussi l’UMA pour d’autres affaires. Tout le monde trouve ainsi son compte : les dirigeants préservent une position tenable face à leur peuple et les décisions délicates ou carrément contraires aux intérêts de tel ou tel pays passent sans casse .
Mais n’a-t-on pas occulté le fait que toute organisation comporte dans ses statuts une Clause qui stipule qu’elle s’interdit de prendre ,sous peine de nullité, toute décision contraire aux intérêts de l’un de ses membres .La notion de majorité et de consensus étant entièrement subordonnée à cette règle de base et irrecevables donc !
Sans trop s’y méprendre , nous avons bien là sous les yeux une mise en œuvre effective des principes et des règles démocratiques mis en avant ces derniers temps .Seulement, « priorité » est d’abord donnée aux Institutions Régionales ou on presse les Dirigeants à mettre au vote les intérêts de leur pays .Pour les peuples, la démocratisation pourra bien attendre, le temps que les Grandes Décisions soient liquidées !
Cette nouvelle technique de « supervision » des Institutions internationales a bien sûr veillé à assurer un certain équilibre et une équité envers les Dirigeants. Elle leur offre en fait une sorte de protection réelle ou supposée contre les « Révolutions Populaires ». On a vu l’illustration avec le Bahreïn dont le trône tient encore uniquement grâce au soutient du CCG. Avec le Yémen aussi bien qu’à un degré moins performant : beaucoup de Dirigeants ont certainement médité ces deux cas et tiré les conclusions.
En tout état de cause, un nouveau concept est né celui de la Démocratie à deux collèges ou de la Démocratie Mineure ; une démocratie spécialement conçue pour les pays ou l’Empire US possède des intérêts ou entrevoit des enjeux futurs. Qui peut dorénavant douter que les States voulaient propager la démocratie chez nous! Ou que démocratie et hégémonie peuvent aisément cohabiter !
S’il fallait s’en tenir donc à ce qui a été choisi et planifié pour assurer notre bonheur dans le monde unipolaire qui était le notre , ce serait notre menu du jour pour les cinquante prochaines années selon H. Clinton! Heureusement qu’une fois de plus, la réalité contredit les prévisions et les Plans.
Mohammed el djazairi
Analyste en géopolitique.
http://www.alterinfo.net/Construction-de-L-UMA-Enjeu-majeur-et-democratie-Mineure_a72170.html
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