L’Ukraine, voie de pénétration vers Moscou

Michel Collon a analysé les objectifs des USA en Europe de l'Est dans son livre « Monopoly. L’OTAN à la conquête du monde », paru en 2000. Dans le cadre de notre dossier sur l'Ukraine, il nous a semblé intéressant de reproduire un passage où il évoquait en particulier les enjeux de la domination de ce pays. Bien que ce passage ait plus de dix ans, il garde toute son actualité. Nous l'avons fait suivre d'un autre extrait, tiré du même livre, sur le rôle de l'OTAN.

 

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Quelques citations éclairant les enjeux de la domination de l'Ukraine

 

Après le Caucase, le deuxième axe des préparatifs de guerre contre la Russie consiste à placer l’Ukraine sous tutelle pour affaiblir la Russie économiquement et stratégiquement. L’Allemagne avait occupé l’Ukraine en 1917 et c’est aussi le premier objectif de conquête décrit par Hitler dans Mein Kampf.

 

• Ludo Martens, auteur de L’Union soviétique de 1991 à 1996 : « Le démembrement de l’URSS a affaibli la Russie et les autres "républiques indépendantes" et tous ces pays sont tombés sous contrôle américain et allemand. Même une grande partie de la nouvelle bourgeoisie de Biélorussie, d’Ukraine, de Géorgie, du Kazakhstan, et d’Ouzbékistan, a intérêt à se réunir avec la Russie. Or, les Etats-Unis et l’Allemagne veulent "se porter garants" du maintien de ce démembrement en élargissant l’OTAN jusqu’à l’Ukraine. L’expansion de l’OTAN est une politique aventuriste qui accroitra dramatiquement le danger de guerre en Europe. » (Etudes marxistes, septembre 1996, p.105.)

 

• Zbigniew Brzezinski*, auteur du Grand Echiquier : « Sans l’Ukraine, la Russie cesse d’être un empire en Eurasie. [...] L’Ukraine constitue l’enjeu essentiel. » « Si l’Occident devait choisir entre une Ukraine démocratique et une Ukraine indépendante (N.B. Brzezinski veut dire : opposée à la Russie et dépendante de l’Ouest), ce sont les intérêts stratégiques – et non des considérations démocratiques – qui devraient déterminer notre position. »

En clair, s’il faut un coup d’Etat pour maintenir le contrôle occidental sur l’Ukraine, va pour un coup d’Etat ! (Le Grand Echiquier, Bayard, Paris, 1997, pp. 74 et 160 ; conférence à la John Hopkins University, 23 avril 1998.)

 

• Asmus, Kugler & Larrabee (analystes de la Rand Corporation pour le Pentagone) : « L’issue la plus mauvaise du point de vue occidental serait une Ukraine réintégrée avec la Russie dans la Communauté́ des Etats indépendants. » (Revue Survival, vol 37, n°1, 1995.)

 

• George Soros** : « Actuellement, je suis surtout engagé en Ukraine. C’est là que ma contribution peut être la plus efficace. » (Courrier International, 17 aout 1995.)

 

• En mai 1999, le parlement de l’Ukraine – seul pays au monde à avoir désarmé unilatéralement ses arsenaux nucléaires – vote à l’unanimité́ pour retourner à son précèdent statut de puissance nucléaire : « Nous avions été́ fous de croire les Etats-Unis et leurs promesses d’un système de sécurité́ intégrée. La guerre de l’OTAN contre la Yougoslavie a détruit toutes ces illusions. » (The Guardian, 26 mai 1999.)

 

 

L'OTAN, armée des multinationales

 

Très bientôt, nous allons vivre dans un monde magnifique. En effet, Madeleine Albright, ministre US des Affaires étrangères, a solennellement déclaré́ au siège de l’OTAN, à Bruxelles, le 17 décembre 1997 que les alliés de l’OTAN vont combattre « le terrorisme, les drogues illégales, l’extrémisme nationaliste et les conflits régionaux alimentés par les haines ethniques, raciales et religieuses. » Splendide programme ! Qui bien sûr impliquera des Etats-Unis, un virage à 180 degrés. Car Madeleine connait bien leurs actes passés et aussi présents. [...]

 

En attendant de voir se réaliser tous ces miracles prédits par Albright,

considérons plutôt les thèmes avances comme de vulgaires prétextes. L’expansion de l’OTAN poursuit d’autres objectifs. Le militarisme humanitaire n’est d’ailleurs pas si neuf qu’on le croit, il suffit de relire les discours et justifications des pires envahisseurs et colonialistes de l’histoire, à commencer par Léopold II massacrant les Congolais pour leur apporter « la civilisation »...

 

Que veut réellement Washington ? « En bref, l’OTAN devrait devenir un gendarme international », résume l’expert US Stephen Blank, déjà cité. « Même si elle demeurera une institution assurant la défense collective de ses membres, dans la pratique, ses missions principales seront de plus en plus des opérations de maintien de la paix "out of area" (hors de sa zone). La fonction principale de l’OTAN deviendrait donc d’être le véhicule de l’intégration de régions toujours plus nombreuses dans la communauté́ occidentale économique, de sécurité́, politique et culturelle. »

 

« Intégrer des régions toujours plus nombreuses » sous la domination de l’Occident ? Voilà qui est franc.

Immédiatement après, Blank ajoute : « Cette vision d’une nouvelle priorité́ pour la sécurité́ collective est très forte à présent qu’aucune menace extérieure n’est visible (1). »

« Aucune menace » ? Vous voulez dire que les pays de l’OTAN ne risquent plus aucune agression et que toute cette énorme organisation militaire ne se justifie plus que pour des missions offensives ?

Oui, confirment deux anciens ministres US, Warren Christopher et William Perry. « L’Alliance doit adapter sa stratégie militaire aux réalités d’aujourd’hui : le danger pour la sécurité́ de ses membres, ce n’est plus la possibilité́ d’une agression, mais bien des menaces contre leurs intérêts collectifs au-delà̀ de leur territoire (2). »

 

Il s’agit donc bien de défendre – partout – les implantations des multinationales. Ce ne sont ni la morale, ni les droits de l’homme que l’OTAN défend. D’ailleurs, relève encore Blank, « la plupart des défis à la sécurité́ autour de la Méditerranée sont de nature socio-économique et/ou politique (3). » Effectivement. L’OTAN est une armée politique, une armée des classes sociales dominantes. Lesquelles, plutôt que d’assurer la justice dans les relations économiques et sociales, se préparent seulement à briser toutes les révoltes.

 

Un autre expert US, Glen Howard, analyste du Caucase pour le gouvernement et les multinationales US, est tout aussi franc : « L’expansion de l’OTAN vers l’est et la course pour prendre pied stratégiquement dans la Mer Caspienne riche en pétrole modifient profondément le paysage stratégique entre le cœur pétrolier de l’Eurasie et l’alliance la plus puissante du monde (4). » On remarquera que les deux éléments – profits des multinationales et expansion de l’OTAN – sont associes sans aucune pudeur dans la même phrase. Voilà qui est clair.


* Zbigniew Brzezinski est l'un des stratèges étasuniens les plus influents (NDR).

**George Soros est un milliardaire étasunien, fondateur de l'Open Society Institute, une organisation dont l'objectif est de promouvoir la « démocratie » et, surtout, le libre marché dans toute une série de pays, notamment en Europe de l'Est (NDR).


Notes

(1) Nato after enlargement, US Army War College, septembre 98 p. 100, 97.

(2) New York Times, 21 octobre 97.

(3) Nato after enlargement, p. 97.

(4) Nato after enlargement, p. 151.


Extraits tirés de Michel Collon, Monopoly. L’OTAN à la conquête du monde, Bruxelles, EPO, 2000, pp. 143-145.

 

Source : michelcollon.info

 

http://www.michelcollon.info

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