Un témoignage américain – mais non gouvernemental – sur Homs
Guy Delorme
La radio libre américaine, de sensibilité conservatrice – mais pas « néo » -, The Alex Jones Show, est diffusée à travers tout le territoire américain via une soixantaine de radios FM et AM. Elle diffuse ainsi quotidiennement des informations et des analyses assez différentes du mainstream et des grands médias. Son animateur, Alex Jones, 37 ans, est né et vit au Texas. C’est une figure de la radio alternative américaine, connu pour ses attaques contre la classe politique américaine, ce qui ne l’a pas empêché d’être un éphémère candidat républicain à une élection locale au Texas en 2000. Lui-même se définit comme un « libertaire » et un chrétien, opposé au « gouvernement mondial » ; il semble aussi acquis – c’est un tropisme fort aux Etats-Unis – à certaines théories conspirationnistes.
Quoiqu’il en soit il a recueilli, le 15 novembre dernier, les impressions de voyage de Webster Tarpley, un journaliste indépendant américain qui se trouve pour quelques jours à Homs. Agé d’une soixantaine d’années, Webster G. Tarpley s’intéresse à la politique internationale des Etats-Unis dont il est fort critique, bien que se réclamant du parti républicain – tendance apparemment nationaliste-isolationniste. Auteur en 1991 d’une biographie de George Bush et d’une autre d’Obama en 2008, il anime depuis 2006 The World Crisis Show, une émission de géopolitique sur la radio privée américaine Republican Broadcasting Network. Il donne lui aussi dans le conspirationnisme, notamment à propos du 11 septembre. C’est donc lui aussi, on l’aura compris, un adversaire déterminé de la politique étrangère de son pays.
Ceci posé, son témoignage sur la situation à Homs à la mi-novembre nous parait aussi crédible qu’intéressant. Nous vous proposons le lien audio, mais Alex Jones et Webster Tarpley s’expriment en texan ! Nous vous donnons donc les grandes lignes de cette émission d’une durée d’une demi-heure.
Présent depuis deux jours à Homs, il a visité la ville, s’efforçant de recueillir le maximum de témoignages sur la situation. Ses interlocuteurs, du gouverneur de la ville aux manifestants pro-Bachar en passant par des médecins et des infirmières de l’hôpital de la ville et des dignitaires religieux chrétiens, sont certes hostiles à l’opposition. Mais à vrai dire, et jusqu’à présent, Tarpley a rencontré peu de partisans de l’opposition à Homs. Pour lui, tout ce qu’on raconte sur l’atmosphère de soulèvement qui caractériserait Homs est « a big lie » – un énorme mensonge.
Pour les interlocuteurs de Tarpley, les soldats syriens ne sont pas assez nombreux et Bachar pas assez ferme
« Il faut envoyer plus de soldats ! »
Webster Tarpley commence par dire qu’il n’a rencontré depuis son arrivée en Syrie que deux checkpoints, l’un à l’aéroport de Damas, l’autre à Homs aux abords de la résidence du gouverneur. Se promenant dans le quartier d’al-Zahra (centre-est de la ville), il tombe sur une manifestation de partisans du régime, et interroge ceux-ci : tous ou presque disent leur crainte des tueurs anonymes de l’opposition, des snipers qui tirent au hasard et tuent tout le monde, chrétien, sunnite, alaouite. Et tous disent qu’il faut en finir avec cette terreur, et envoyer plus de troupes, à Homs ou partout où c’est nécessaire. Sinon d’autres se plaignent du manque de mazout pour le chauffage des ménages, conséquence apparemment sensible des représailles occidentales.
Mais ce sont bien les terroristes, les snipers perchés sur les toits des immeubles de la ville qui sont la préoccupation majeure de ces gens. Non seulement les manifestants pro-Bachar, mais les prêtres catholiques rencontrés ou le personnel de l’hôpital. Des médecins réclament eux aussi un renfort de soldats… sur le toit de leur établissement, pour contrer ces fameux tireurs embusqués. Le jour où le journaliste américain est passé à l’hôpital, celui-ci avait réceptionné sept blessé et cinq tués, apparemment victimes de ces tireurs cachés. Et puis il y a aussi les enlèvements : Tarpley parle d’un chauffeur de taxi qu’il a rencontré, dont le fils a été kidnappé par des « barbus » et retrouvé mort.
Tarpley a demandé à ses différents interlocuteurs qui pouvaient être ces snipers, d’où ils venaient. Le gouverneur lui a dit que la plupart étaient syriens. Les autres disent qu’ils sont en tous cas armés et financés par l’étranger. Qui ? Tarpley énumère les puissances mise en cause par les Homsis : l’Arabie Saoudite, le Qatar, la Turquie, la faction libanaise Hariri. Mais aussi la CIA, le Mossad, l’OTAN, les Frères musulmans, al-Qaïda. On parle aussi de trafiquants de drogue.
En tout cas, le journaliste américain a vu une ville plutôt calme, mais où la peur rôde. Et pas du fait de l’armée syrienne apparemment. Les gens à qui il a parlé reprochent surtout à Bachar sa modération dans la répression. Ils souhaitent que l’armée se donne les moyens d’écraser définitivement les activistes, pour qu’on sorte enfin d’une situation sinistre et paralysante qui traîne depuis des mois.
Pour Webster G. Tarpley, la vie à Homs est empoisonnée par « a couple of hundreds snipers » – quelques centaines de tireurs. En ce qui concerne la crise syrienne dans sa globalité, il observe que les troubles affectent essentiellement certains quartiers de villes et certaines régions situées à la périphérie du pays : Homs est proche de la frontière libanaise, Lattaquié de la frontière turque, Deir Ezzor de la frontière irakienne, Deraa de la frontière jordanienne. Pour lui, il est évident que la violence des radicaux islamistes s’est manifestée dès le premiers jours du mouvement à la mi-mars. Et que c’est sous la pression des autorités américaines que la Ligue arabe a « suspendu » la Syrie, ce qui pourrait permettre un retour du dossier devant le Conseil de sécurité. Mais, conclut Tarpley, les Russes diront toujours « niet« . Le journaliste américain devrait rester quelques jours encore à Homs, et adresser d’autres correspondances à Alex Jones. To be continued (à suivre)…
Ci-dessous le lien audio :
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