Portrait de l’Amérique en déclin
Patrick Martin
Une série de rapports publiés durant ces dix derniers jours – sur la pauvreté, les salaires, sur l’inégalité des revenus et la mobilité sociale – ont dressé un portrait de l’Amérique fortement en rupture avec le mythe officiel des Etats-Unis comme pays aux opportunités économiques illimitées et au plus haut niveau de vie du monde.
Le World Socialist Web Site a bien sûr attiré l’attention sur ces rapports, et ce ne sont pas des critiques marxistes et des adversaires du capitalisme américain qui ont rassemblé ces données. Bien au contraire, les chiffres proviennent d’agences du gouvernement américain comme le General Accounting Office (Cour des Comptes), le Congressional Budget Office (Bureau du Budget du Congrès), le Social Security Administration (Administration de la Sécurité sociale), le Bureau of the Census (Bureau du Recensement) et la Banque de la Réserve fédérale (Fed) de New York.
Ceci ne rend que d’autant plus accablant le tableau de l’état des lieux de l'Amérique de 2011. Même des agences qui sont contrôlées par des représentants politiques de l’aristocratie financière sont obligées d’admettre que les conditions de vie de la vaste majorité du peuple américain sont désastreuses.
Ces chiffres montrent que l’Amérique est un pays aux disparités sociales criantes où ceux qui ont du travail et produisent toutes les richesses gagnent de moins en moins d’argent alors que ceux qui engrangent les profits de ce travail tout en jouant un rôle parasitaire, destructeur et foncièrement réactionnaire, voient leurs richesses atteindre des niveaux vertigineux.
Deux rapports affichent la polarisation sociale dramatique qui existe en Amérique, pas tant entre les riches et les pauvres qu’entre les riches et tout le reste de la société.
Selon ces chiffres publiés le 20 octobre par la Social Security Administration (SSA), le revenu médian en 2011 des travailleurs américains était de 26 364 dollars, pas beaucoup plus que le montant du seuil de pauvreté de 22 025 dollars pour une famille de quatre personnes. Étant donné que même une famille disposant du double du seuil de pauvreté est confrontée à de graves difficultés financières et à l’insécurité, il n’est pas exagéré de dire que le rapport du SSA montre que les « pauvres » constituent par définition, la majorité absolue du peuple américain.
Par ailleurs, une étude publiée le 25 octobre par le Congressional Budget Office révèle que le un pour cent le plus riche des ménages américains a vu son revenu s'accroître de 275 pour cent entre 1979 et 2007 et plus que doubler sa part du revenu national. Alors que le revenu de cette couche a presque triplé, le revenu des 60 pour cent de la population moyenne n'a augmenté que de 40 pour cent en 28 ans et le revenu des 20 pour cent les plus pauvres de 18 pour cent seulement .
Voici d'autres statistiques révélatrices:
Le taux de chômage des travailleurs de plus de 55 ans ou plus a doublé depuis 2007 et la durée moyenne de chômage a triplé. Un tiers des travailleurs de 65 ans ou plus, occupant un emploi, gagnent moins de 11 dollars de l’heure alors que les taux de la pauvreté et de la dépendance de bons alimentaires ont enregistré une hausse significative dans ce secteur de la population.
Le montant des prêts en dollars accordés aux étudiants en 2010 a atteint 100 milliards de dollars, soit la plus importante somme jamais atteinte en une seule année, et la dette totale étudiante a dépassé en 2011 la barre du millier de milliards de dollars, soit plus que le montant total des dettes sur cartes de crédit. Les étudiants empruntent deux fois plus qu’ils ne le faisaient il y a seulement dix ans pour payer leurs études universitaires.
En Amérique, la mobilité géographique a chuté à son niveau le plus bas enregistré depuis 1948, une indication de la perte d’opportunité notamment pour les jeunes. Les gens ne peuvent pas vendre leurs maison ou en acheter de nouvelles et la majorité des jeunes diplômés d’université sont obligés de revenir chez leurs parents parce qu’ils sont incapables de trouver un travail rapportant suffisamment d’argent pour être indépendants.
Un sondage Gallup a trouvé que trois fois plus de travailleurs américains sont inquiets à l’idée de ne pas pouvoir se nourrir eux et leurs familles, soit 19 pour cent de la population, contre seulement 6 pour cent des travailleurs chinois, partageant le même sentiment. Gallup a également analysé l’accès des travailleurs américains aux services sociaux de première nécessité, à un logement et à des soins médicaux décents.
Ce que ces chiffres révèlent est à la fois une crise sociale profonde et une énorme transformation historique. Les États-Unis sont passés de la première position dans le monde en ce qui concerne les indicateurs sociaux, dont le niveau de vie de la classe ouvrière, à un nouveau statut à savoir celui de chef de file, du moins parmi les pays industrialisés, pour ce qui est de condamner la majorité de sa population au dénuement et à la misère.
Le déclin du capitalisme américain est révélé dans la décrépitude de sa base industrielle jadis puissante, l'effondrement des routes, des ponts et autre infrastructure sociale et la fermeture des écoles, des bibliothèques, des hôpitaux et autres services publics. Il n’est pas étonnant que plus de 80 pour cent du peuple américain, selon les tout derniers sondages, estiment que le pays est sur la mauvaise voie.
Une aristocratie financière dont les relations avec le reste de la société rappellent l’ancien régime de la France pré-révolutionnaire est responsable de ce déclin.
Les rapports et le tableau qu’elle fournit de la société américaine sont un réquisitoire particulièrement accablant du gouvernement Obama et de tous ceux qui avaient présenté l’élection d’Obama comme un événement censé transformer la politique américaine. Le contenu réel de ces trois dernières années a été une redistribution colossale de la richesse, supervisée et encouragée par Obama, de la classe ouvrière vers l’élite financière. Et cela se poursuit.
Pour la classe ouvrière, la nécessité impérative est de comprendre les causes du déclin social et économique. C’est le capitalisme qui a échoué aux États-Unis et à l’échelle mondiale. Le système de production pour le profit a en effet produit des bénéfices record pour une infime minorité au sommet mais, pour la population laborieuse qui constitue la grande majorité, il est devenu une impasse.
La classe ouvrière doit mettre en avant son propre programme pour la défense de l’emploi, d’une éducation décente, d’une retraite assurée et d’autres droits sociaux fondamentaux. Ceci n’est possible qu’en se libérant de l’emprise des syndicats officiels et du Parti démocrate qui protègent les intérêts des banques et du patronat tout en affirmant à tort défendre les travailleurs.
L’opposition grandissante face à l’inégalité et au contrôle par les grandes sociétés de l’ensemble du système politique sous-tend la montée du mouvement Occupons Wall Street et le soutien de masse qu’il a gagné en moins de deux mois. Mais, ce n’est qu’un avant-goût de ce qui est à venir.
La réponse à la crise du capitalisme est une attaque audacieuse contre les capitalistes. La classe ouvrière doit lutter pour des revendications socialistes : l’expropriation des milliardaires et de l’ensemble de l’oligarchie financière, la prise de contrôle des principales banques et entreprises et l’utilisation de la vaste richesse produite par la population laborieuse pour satisfaire les besoins sociaux et pas les profits privés.
La question décisive lors de la préparation de cette lutte est la construction d’une nouvelle direction révolutionnaire de la classe ouvrière – le Socialist Equality Party (Parti de l'égalité socialiste, SEP). Nous invitons les jeunes gens et les travailleurs qui entrent aujourd’hui dans la lutte à adhérer au SEP et à lutter pour cette perspective au sein de la classe ouvrière internationale.
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