Le Droit humanitaire en Palestine
par Christophe Oberlin
Mettre un terme à l’extension coloniale israélienne en terres
palestiniennes, cela implique la reconnaissance par les instances
juridiques internationales de la violation par Israël du droit
international et la mise en place de sanctions correspondant à ce
manquement.
Ces instances juridiques s’appuient nécessairement sur des
éléments de preuve fournies par l’accusation. Or, il fut démontré par de
maints exemples que les défenseurs de la cause palestinienne sont
nombreux et peinent à composer les uns avec les autres, à former une
entité unie et organisée. La société civile palestinienne a donc pris le
relais avec l’espoir de faire triompher le respect du droit
international.
Du 30 mars 2018 au 14 mai 2019, 305 Palestiniens ont été tués par l’armée israélienne en territoire gazaoui, dont 59 enfants et dix femmes, tandis que 15 000 étaient blessés. Le type de blessures (7069 tirs à balles réelles, 3165 impacts sur la tête ou le tronc) témoignent dans de nombreux cas de la volonté de tuer, les 8306 impacts sur les membres inférieurs de celle de provoquer un handicap définitif. L’utilisation notamment de balles explosives (soft-nose bullets), interdites contre les êtres humains (même en pratique militaire) est responsable de 136 amputations. À noter également les 680 blessés parmi le personnel médical et paramédical (3 morts), 118 tirs sur ambulance, 365 tirs sur des journalistes (2 morts), toutes indications qui témoignent d’une politique délibérée.
Depuis 2009, la société civile palestinienne tient le rôle de leader dans la défense des droits des Palestiniens, et se tourne vers la Cour Pénale Internationale qui est sa juridiction naturelle.
Le recueil de données :
La Cour Pénale Internationale est une instance professionnelle qui requiert pour ses jugements des victimes identifiées et des preuves qui lui parviennent par l’intermédiaire d’avocats accrédités.
Depuis 2014 une équipe palestinienne (forensic team) a entrepris un travail professionnel de recueil de données médico-légales selon les standards internationaux : identification des victimes, recueil de témoignage (oral, photo, vidéo, films, rapports d’autopsie, prélèvements sur les victimes, mandats nominaux, traduction en anglais, classification des données, etc.) afin de pouvoir apporter au tribunal les chaînes de preuves nécessaires le jour venu. Des prélèvements sont également effectués pour analyse sur les victimes d’intoxication aux gaz neurotoxiques (2458).
L’objectif est d’obtenir l’ouverture d’une enquête par le Procureur de la Cour Pénale Internationale.
Pour parvenir à la constitution de cette équipe et amorcer le recueil de données légales, cette dernière décennie a vu se succéder des tentatives de recours juridiques parmi lesquels ont figuré de nombreux échecs. La chronologie des initiatives légales palestiniennes est la suivante :
En janvier 2009, suite à la guerre de l’hiver 2008-2009 entre Israël et Gaza, une plainte posant notamment la question des soldats israéliens binationaux, citoyens de pays ayant ratifié le Statut de Rome a été déposée.
En juillet 2014, une plainte a été déposée par le Ministre de la Justice de Palestine et le Procureur général de Gaza. Mais elle fut gelée quelques jours plus tard par le Ministre des Affaires étrangères de Palestine.
En janvier 2015, l’État de Palestine a adhéré au Statut de Rome, mais aucune plainte n’a été déposée.
En juillet 2017, 40 associations et syndicats de Gaza déposent une plainte pour crime de siège contre l’État d’Israël.
En décembre la même année, débutent les Marches du retour à la suite du transfert de l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem. Débute également la préparation d’une plainte par les victimes de cette marche, sans le soutien de l’État de Palestine.
Le 22 mai 2018, l’article 14[1] est saisi par l’État de Palestine (suite au massacre du 14 mai faisant 59 victimes). Débute alors la phase de recours judiciaires auprès de la Chambre préliminaire 1 de la Cour Pénale Internationale.
En juillet, un registre des victimes est ouvert par cette chambre préliminaire.
Près d’un an plus tard, le 26 mai 2019, une plainte collective regroupant 750 victimes des agressions israéliennes sur le territoire de Gaza durant les Marches du retour est déposée auprès de la Cour.
Le recours à la voie juridique est peu médiatisé mais inquiète les responsables israéliens. La principale cause du retard dans l’ouverture d’une enquête par la Cour Pénale Internationale réside dans les choix politiques du gouvernement palestinien. Son absence de coopération pourrait aboutir à une répétition du cas afghan. Autrement dit, la Cour estimant ses moyens d’investigation trop faibles et en l’absence de coopération de l’État concerné, jugerait impossible le déroulement d’une enquête sur l’objet des plaintes déposées. Toutefois, demeure une différence de taille : les dossiers constitués par les victimes de Gaza sont parfaitement documentés et sont entre les mains de la Cour Pénale Internationale.
—————————————————————
[1] du Pacte international relatif aux droits civils et politiques établi par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Droits de l’Homme (https://www.ohchr.org/fr/professionalinterest/pages/ccpr.aspx)
source : http://www.academiedegeopolitiquedeparis.com
Commentaires
Enregistrer un commentaire