René Naba : «Entre la France et l’Algérie le rapport est désormais inversé»
René Naba. D. R.
Algeriepatriotique : François Hollande vient en Algérie dans le cadre d’une visite officielle très attendue des deux côtés de la Méditerranée. Un rituel que tous les présidents français suivent à la lettre depuis longtemps, puisque le président nouvellement élu emboîte le pas à Mitterrand, Chirac et Sarkozy. Comment le «dossier algérien» est-il traité par l’Elysée, droite et gauche confondues ? En quatre mois, pas moins de six ministres français se sont rendus à Alger. Pourquoi cet intérêt soudain pour notre pays après que la France eut tout fait pour isoler l’Algérie sur la scène internationale durant la décennie 1990 ? Une véritable réconciliation entre l’Algérie et la France est-elle possible sur fond de désaccord historique profond sur les exactions commises par la France durant la colonisation ? La France doit-elle demander pardon ?
René Naba : Entre la France et l’Algérie le rapport est désormais inversé. L’Algérie dispose de réserves de l’ordre de deux cents milliards de dollars, alors que la France, frappée de la dégradation de sa notation, est affligée d’une dette publique de près de deux mille milliards d’euros. Les relations entre la France et l’Algérie, en dents de scie depuis l'indépendance de l'Algérie il y a 50 ans, se sont certes réchauffées depuis l'élection du socialiste François Hollande et les deux capitales entendent parvenir à un «partenariat d'exception», selon la formule consacrée. Les Algériens souhaitant même que le savoir-faire français puisse accompagner le développement industriel algérien, notamment dans l’industrie de pointe. Mais le rapport est désormais inversé. Et ceci explique cela.
La France s’enlise dans la sinistrose sur le plan économique interne et l’Union Européenne, dans la névrose. Crise systémique de l’endettement bancaire, perte de leadership diplomatique au plan international, comme en témoigne le vote en ordre dispersé sur l’admission de la Palestine en tant que Etat observateur à l’ONU. Un rôle aux antipodes du rôle dirigeant assumé par les Européens dans la décennie 1980 avec la déclaration de Venise conférant à l’OLP l’exclusivité de la représentation palestinienne.
Depuis son entrée en fonction en mai dernier, le président français a reçu à Paris une quinzaine de dirigeants arabes et s’est déjà rendu dans deux pays arabes, le Liban et l’Arabie Saoudite, de même qu’en Afrique (Sénégal et République démocratique du Congo). La visite de François Hollande en Algérie n’était donc pas si attendue que cela. Elle figurait dans l’ordre normal des choses. C’est plutôt lui qui était attendu…
et de pied ferme. Pour l’Algérie, il a sans doute voulu attendre la fin de la commémoration du cinquantenaire de l’Indépendance, douloureuse pour le souvenir français… et sans doute que le sort des armes en Syrie et au Mali lui soit favorable pour se poser, sinon en vainqueur, du moins en prescripteur. Un rôle qu’affectionne particulièrement la France. Mais le sort en a décidé autrement.
A titre d’exemple, pour illustrer un renversement de tendance sans doute irréversible, dans la décennie 1950, la France a ordonné l’expédition de Suez contre Nasser pour le châtier d’avoir nationalisé le canal de Suez et de Gaulle avait donné l’artillerie de marine pour réprimer la manifestation des nationalistes tunisiens à Bizerte. De nos jours, pas le moindre coup de menton. Profil bas, sauf avec les pays séculiers et contestataires arabes, la Libye d’abord, la Syrie ensuite, en prestataire de service des pétromonarchies rétrogrades.
Le Qatar, via Ansar Dine, lui enfonce un coin dans sa chasse gardée du Mali, le pays le moins dépendant d’Afrique, et, en riposte, la France plaide pour l’admission de la principauté au sein de l’Organisation de la francophonie.
La France vote pour l’admission de la Palestine en tant qu’Etat non membre à l’ONU et le même jour prête ses somptueux salons du Quai d’Orsay pour une réception célébrant le 65e anniversaire de la proclamation unilatérale de l’indépendance d’Israël.
Pis, la France se déclare l’amie de tous au Moyen-Orient mais n’entretient de relations ni avec le Hamas palestinien ni avec le Hezbollah libanais, deux des acteurs majeurs de la zone.
Elle réclame avec insistance la fourniture d’armes lourdes à l’opposition syrienne et la constitution d’une «no fly zone» au-dessus de l’espace aérien syrien, mais ne pipe mot sur le blocus de Ghaza, ne serait-ce que pour la fourniture d’aides substantielles à la reconstruction. Elle aide les islamistes en Syrie mais veut les combattre au Nord-Mali.
La France, enfin, s’oppose à l’institution de républiques héréditaires dans le monde arabe, mais protège vigoureusement le roitelet pétrolier du Gabon Ali Bongo, en fraudant, au besoin, les élections.
Tant de contradictions expliquent sa mise à l’écart du règlement en cours à Ghaza, ainsi que le dégagement des binationaux franco-syriens des postes dirigeants au sein de l’opposition off-shore, au bénéfice d’un islamiste démarcheur de la firme pétrolière anglo-néerlandaise Shell.
La France est atteinte d’un malaise vagal stratégique et la prestation de son ministre des Affaires étrangères, le super-capé de gauche Laurent Fabius, est digne d’un freluquet diplomatique.
La repentance : la France doit-elle demander pardon ?
C’est la question qui fâche par excellence. Je vais tenter de faire un sort définitif à cette question qui empoisonne la vie politique nationale française et les rapports franco-algériens depuis un demi-siècle. Vidons l’abcès une bonne fois pour toutes.
Depuis près de vingt ans, la France, à intervalles réguliers, procède à une sorte de repentance sur certains aspects hideux de son histoire : la collaboration vichyste avec l’Allemagne nazie et sa coopération avec le génocide hitlérien, la criminalisation de l’usage du terme harki, la criminalisation de la négation du génocide arménien, etc.
Très franchement, pour un pays qui se targue de rationalité cartésienne, ce n’est pas la meilleure façon de purger le passif postcolonial. Il aurait mieux valu procéder à une lecture sereine de l’histoire de France, et de pointer ses points noirs une bonne fois pour toutes et de les expier d’un trait, dans une démarche solennelle qui n’aurait pas manqué de grandeur. Le pouvoir français a préféré établir une hiérarchie dans ce domaine-là et voilà que ses repentances successives prennent l’allure d’un chemin de croix humiliant pour l’amour-propre national. C’est la solution la moins judicieuse. Car après l’Algérie, restera Thiaroye (Sénégal) et le Cameroun.
Première vérité : cela est dit très franchement, le «fardeau de l’homme blanc» fourni à l’Algérie par la France ne pèse pas lourd face à la dette de sang algérien versé pour la libération de la France, qui plus est à deux reprises au cours d’un même siècle. L’immigration basanée en France est une immigration de créance, résultant d’un tribut de sang, sans pareil dans les annales, qui fait qu’à ce titre, les immigrés en France se doivent être accueillis par la grande porte alors que les instances du pays veillent constamment à leur faire prendre la porte de service. Qu’on en juge.
La contribution globale de colonies à l’effort de guerre français pour la Première Guerre mondiale (1914-1918) s’est élevée à 555 491 soldats, dont 78 116 ont été tués, et 183 903 affectés à l’arrière à l’effort de guerre économique en vue de compenser l’enrôlement de soldats français sur le front. L’Algérie, à elle seule, a fourni 173 000 combattants musulmans, dont 23 000 ont été tués, et 76 000 travailleurs ont participé à l’effort de guerre, en remplacement des soldats français partis au front.
La contribution totale des trois pays du Maghreb (Algérie, Tunisie, Maroc) s’est élevée à 256 778 soldats, 26 543 tués et 129 368 travailleurs. L’Afrique noire (Afrique occidentale et Afrique équatoriale) a, pour sa part, offert 164 000 combattants dont 33 320 tués, l’Indochine 43 430 combattants et 1 123 tués, l’île de la Réunion 14 423 combattants et 3 000 tués, Guyane-Antilles 23 000 combattants et 2 037 tués.
Pour la Seconde Guerre mondiale (1939-1945) : la première armée d’Afrique qui débarqua en Provence (sud de la France), le 15 août 1944, avait permis d’ouvrir un deuxième front en France après le débarquement du 6 juin 1944 en Normandie. Cette armée de 400 000 hommes comptait 173 000 Arabes et Africains dans ses rangs. De juin 1940 à mai 1945, 55 000 Algériens, Marocains, Tunisiens et combattants d’Afrique noire furent tués. 25 000 d’entre eux servaient dans les rangs de l’armée d’Afrique.
Durant la campagne d’Italie, marquée par la célèbre bataille de Monte Cassino, qui fit sauter le verrou vers Rome, et, à ce titre, célébrée comme la grande victoire française de la Seconde Guerre mondiale, sur les 6 255 soldats français tués, 4 000, soit les deux tiers, étaient originaires du Maghreb et parmi les 23 500 blessés, 15 600, soit le tiers, étaient du Maghreb.
Ahmed Ben Bella, un des futurs chefs de file de la guerre d’indépendance algérienne et premier président de l’Algérie indépendante, figurait parmi les blessés de la bataille de Monte Cassino. Il en est de même de la campagne d’Allemagne : sur les 9 237 tués, 3 620 étaient des enrôlés du Maghreb, et sur les 34 714 blessés, 16 531 étaient maghrébins. Il n’était pas question alors de pistage génétique, de «test ADN» ou d’«immigration choisie» pour leur enrôlement, de «seuil de tolérance» pour leur sang versé à profusion pour une guerre qui se présentait pour eux comme «une querelle de blancs».
Deuxième vérité : premier pays européen par l’importance de sa communauté musulmane, la France est aussi, proportionnellement à sa superficie et à sa population, le plus important foyer musulman du monde occidental. Avec près de cinq millions de musulmans, dont deux millions de nationalité française, elle compte davantage de musulmans que pas moins de huit pays membres de la Ligue arabe (Liban, Koweït, Qatar, Bahreïn, Emirats arabes unis, Palestine, Iles Comores et Djibouti). Elle pourrait, à ce titre, justifier d’une adhésion à l’Organisation de la conférence islamique (OCI), le forum politique panislamique regroupant cinquante-deux Etats de divers continents ou à tout le moins disposer d’un siège d’observateur.
Troisième vérité : contraire aux idéaux de liberté, d’égalité et de fraternité, les principes fondateurs de la Révolution française, la colonisation a été le fossoyeur de l’idéal républicain. La «Patrie des droits de l’Homme» et des compilations juridiques modernes – le code civil et le code pénal – est aussi le pays de la codification discriminatoire, le pays de la codification de l’abomination, le pays du «Code noir» de l’esclavage, sous la monarchie, du «Code de l’indigénat» en Algérie, sous la République, qu’il mettra en pratique avec les «expositions ethnologiques», ces «zoos humains» dressés pour ancrer dans l’imaginaire collectif des peuples du tiers-monde l’idée d’une infériorité durable des «peuples de couleur», et, par contrecoup, la supériorité de la race blanche.
Quatrième vérité : le cas des pieds-noirs. Les pieds-noirs, Français rapatriés d’Algérie dans la foulée de l’indépendance de ce pays, constituent une singularité dans le paysage colonial planétaire. La France est le seul pays qui introduit les pieds-noirs dans le débat.
Les colons blancs des colonies britanniques de Rhodésie Nyassaland, du Kenya, d’Ouganda, d’Inde ou du Pakistan ne se sont pas constitués en lobby pour occulter l’histoire coloniale ni peser sur le débat sur l’identité nationale, ni, non plus, réclamé et obtenu pour des raisons électoralistes le vote d’une loi sur le «rôle positif de la colonisation».
Les pieds-noirs font partie de la colonisation et n’existent que dans un seul pays, l’Algérie. Curieux qu’il n’y ait pas eu de phénomène pied-noir en Afrique noire. Pourquoi les privilégier au détriment des populations des autres pays, alors que le code de l’indigénat ne s’appliquait pas à eux, preuve irréfutable de leur appartenance à la société coloniale. Il parait malsain, en termes de cohérence intellectuelle, de mettre sur le même plan l’exploitation, l’oppression, la dépersonnalisation pluriséculaire des colonisés, leur mise en esclavage et la traite dont ils ont été l’objet, et les mésaventures d’anciens colons, fourvoyés par la politique de leur gouvernement.
Les pieds-noirs sont les victimes privilégiées de l’Etat colonial et non de l’état colonisé. Il importe de ne pas banaliser le débat, mettre le colonisateur et le colonisé sur le même plan, et mutatis mutandis, persécuteurs et persécutés, sous prétexte d’un équilibre du temps de parole : quinze minutes aux uns et quinze minute aux autres.
Les pieds-noirs ressortissent du même monde que le pouvoir colonial : colons, ils jouissaient des mêmes droits et obligations que leurs compatriotes de France. Ils n’étaient pas soumis au code de l’indigénat. Ils étaient des colons, la population autochtone des colonisés.
Porteurs de la nationalité française, ils avaient obligation de défendre la France durant les deux guerres mondiales, les autres, indigènes, pas du tout. C’est là toute la différence qui fait qu’un groupe de nostalgiques de l’empire colonial français prenne en otage la République et la soumet au chantage électoral, bannissant la remise en cause de la doxa officielle sur l’histoire coloniale (Cf. à ce propos la controverse sur le film Hors-la-loi de Rachid Bouchareb sur les massacres de Sétif).
Le paradoxe français réside dans ce fait qui explique les dérives du débat public. Si le «rôle positif de la colonisation» constitue désormais un dogme inaltérable de la pensée française contemporaine, il est à espérer que le débat apporte sa contribution à la démonstration du «rôle positif des colonisés par rapport à leur colonisateur».
Une culture de paix présuppose le respect d’autrui, la reconnaissance de sa spécificité et de son apport, et non son dénigrement et sa négation. Il y va de la salubrité du débat public en France, de sa grandeur et de son honneur.
Pourquoi Paris pousse-t-il au pourrissement dans la crise malienne ? Quel est son intérêt dans une intervention militaire étrangère dans ce pays ? Les divergences de vues et d’intérêts entre l’Algérie et la France sur le Mali et sur la plupart des autres questions internationales ne rendent-elles pas, sinon impossible, du moins encore plus difficile une entente entre Paris et Alger ? L'Algérie et la Syrie sont les derniers bastions du «Front du refus», après l’invasion de l'Irak et le rapprochement forcé de l'Egypte avec Israël. Aujourd’hui, la Syrie est en proie à une guerre civile terrible. Par quels moyens les artisans de ce «nouvel ordre» mondial comptent-ils s’y prendre en Algérie qui semble – jusque-là, du moins – résister à cette entreprise subversive ?
Là aussi, les rapports entre la France et l’Algérie sont inversés. J’ose espérer que la France en a tenu compte dans son évaluation stratégique. L’Algérie est chez elle au Sahara et dispose d’une frontière commune de 1 800 km avec le Mali, soit infiniment plus que la totalité du métrage de la France avec ses pays limitrophes (Allemagne, Belgique, Espagne, Italie, Suisse). Cela est si vrai, d’ailleurs, que la France aurait proposé au Maroc de lui effacer ses dettes militaires en échange d’une intervention militaire marocaine dans le Nord-Mali, en substitution de la France.
Mais le Mali est à coupler avec la Syrie. Ces deux pays constituent les deux points de fixation de la Russie et de l’Algérie dans la bataille de l’énergie que se livrent en sourdine le camp atlantiste et leurs fournisseurs de gaz. La Russie et l’Algérie constituent les deux principaux ravitailleurs en gaz de l’Europe occidentale, laquelle veut réduire sa dépendance de ces deux pays situés hors de la sphère atlantiste.
La guerre de Syrie s’explique dans ce contexte et vise un double objectif :
- Désarticuler le maillon intermédiaire de l’axe de la contestation à l’hégémonie israélo-américaine dans la zone, constitué de l’Iran, la Syrie et le Hezbollah libanais.
- Affaiblir économiquement l’Iran, sous embargo depuis trente ans, et la Russie.
- Fixer la Syrie et la Russie sur cet abcès de fixation le temps de procéder au déroutement du trafic gazier du détroit d’Ormuz vers la Méditerranée orientale avec des terminaux en Syrie et en Turquie.
Pour les initiés, c’est la fameuse bataille du projet transeuropéen Nabucco contre le projet russe North and South Stream.
L’écharde nord-malienne s’explique aussi dans ce contexte. L’Algérie, ultime survivant de l’ancien «Front du refus arabe», flanquée de surcroît désormais de deux régimes néo-islamistes, la Libye et la Tunisie, est ainsi rivée au sol par le dossier du séparatisme du nord du Mali.
Dans la foulée de la chute de Ben Ali (Tunisie) et de Moubarak (Egypte), janvier-février 2011, les deux piliers du projet sarkozyste de l’Union pour la Méditerranée (UPM), alors que les flammes de la révolution atteignaient les rives du golfe pétromonarchique, Bahreïn et Yémen, le Qatar, tenu au collet par les Américains, est entré en scène pour procéder au détournement du flux révolutionnaire du Golfe vers les régimes séculiers de Libye et de Syrie. Avec le soutien de l’Otan dans une opération de double déroutement, déroutement du flux révolutionnaire et déroutement du trafic gazier… au nom de la démocratie. Voilà comment le «printemps arabe» s’est mué en une période de glaciation rétrograde et répressive.
Dans ce contexte, les jurés du Nobel apparaissent comme de joyeux farceurs. Attribuer le prix Nobel de la paix à l’Union européenne relève d’une opération de ravalement cosmétique consistant à blanchir l’Europe atlantiste d’une opération de survie économique par la prédation de pays émergents tels la Syrie et la Libye, deux pays énergétiques sans endettement, et, de ce fait, à fort rendement.
Vous avez demandé, sur un ton sarcastique, que des psychiatres se portent volontaires pour soigner les dirigeants arabes. De quoi souffrent-ils, selon vous ?
Pas du tout sarcastique, mais le triste constat d’une triste vérité. La pathologie du leadership arabe est une combinaison de plusieurs maux alliant confusion mentale sur fonds de mégalomanie, de sénilité, d’analphabétisme, de corruption et de veulerie.
Deux dirigeants arabes sont des parricides, le sultan Qabous d’Oman, et l’émir du Qatar, Cheikh Hamad ben Khalifa Al-Thani, tous deux situés dans le giron occidental et cités en exemple de démocratie.
Un troisième, celui d’Abou Dhabi, doit son trône au fait que son père, Cheikh Zayed, a évincé son propre frère, Cheikh Chakhbout, du pouvoir, alors que la famille régnante saoudienne abrite la plus forte concentration d’atrabilaires cacochymes.
En plein printemps arabe, deux princes héritiers saoudiens décèdent en moins d’un an. Le sang neuf c’est bon pour les régimes séculiers, pas pour les théocraties.
La France inflige un camouflet à l’émir de Qatar, en refusant un visa au prédicateur préféré du camp atlantiste, l’Egypto-Qatariote Youssef Qaradawi, mais le vibrionnaire qatari ne moufle mot et investit compulsivement dans l’économie vacillante française. Sans comparaison avec l’Algérie où le bras d’honneur français fait l’objet d’un retour à l’envoyeur immédiat, frais de port compris.
Le Hamas tire contre Tel-Aviv des missiles Fajr 5 livrés par l’Iran et la Syrie au péril de nombreux combattants les acheminant, et le mouvement islamiste palestinien sunnite, par alignement sectaire, remercie… la Turquie, l’allié stratégique majeur d’Israël pendant le dernier demi-siècle, ainsi que le Qatar, qui abrite naturellement la plus grande base américaine de la zone, au service de la défense israélienne.
Le plus grand mal dont souffrent les dirigeants arabes est la servilité, doublée de l’absence de dignité et de l’absence du sens de l’honneur. Les électrochocs, un traitement d’une autre époque, sont demeurés sans effet. Il importe d’expérimenter une thérapie hardie qui passe en tout état de cause par le port de la camisole de force en tant que mesure de sauvegarde contre leurs bouffées délirantes.
Une camisole de force et quelques coups de pied à l’arrière-train, question d’activer leurs méninges, à tout le moins pour ceux qui en ont.
Que va-t-il se passer dans le monde arabe dans les quelques années à venir, à la lumière des évènements – parfois d’une violence inouïe – qui s’y déroulent ?
Pour la première fois dans l’histoire moderne arabe, les islamistes sont au pouvoir dans la quasi-totalité des pays arabes, du golfe pétromonarchique wahhabite rétrograde aux gouvernements néo-islamistes des rives de la Méditerranée (Egypte, Libye, Tunisie).
C’est une chose de pratiquer l’opposition démagogique sans responsabilité, c’en est une autre de se frotter aux dures réalités de la gestion quotidienne des responsabilités.
Leur crédibilité sera testée en priorité sur la Palestine et dans leur rapport aux Etats-Unis, protecteur d’Israël.
Sous la bannière de l’islam atlantiste, une dizaine de bases militaires occidentales se sont déployées aux points stratégiques du monde arabe (Bahreïn, Qatar, Abou Dhabi, Koweït, Djibouti, sultanat d’Oman), sans compter les facilités dont ils disposent en Libye, au Maroc et en Jordanie. Songez que les deux pays musulmans d’Europe, l’Albanie et la Bosnie, qui sont tant redevables aux «arabes afghans» de leur indépendance – Ben Laden en personne a combattu en Bosnie en 1995 pendant un semestre – se sont abstenus de voter en faveur de la Palestine, le 29 novembre 2012, sur l’octroi du statut d’Etat observateur, alors que la Palestine a préexisté à cet état croupion qu’est la Bosnie depuis la nuit des temps.
Leur crédibilité sera en outre testée sur le respect des droits des minorités dans le monde arabe, sur leur réussite dans la mise en œuvre d’une politique de développement scientifique en vue de rattraper le considérable retard intellectuel et technologique arabe.
Deux ans de printemps arabe débouchent sur les conclusions suivantes :
- En accordant la priorité à la destruction de pays arabes, sous couvert de lutte pour la démocratie, plutôt qu’à la libération de la Palestine, les pétromonarchies, les régimes les plus rétrogrades au monde, se sont révélées les commanditaires de leur propre mercenariat en vue de leur auto-asservissement. Un phénomène unique dans l’histoire du monde.
- Le néo-islamisme pro-américain est, lui, apparu le gestionnaire de l’ordre rentier pétromonarchique, comme en témoigne le règlement de la dernière offensive israélienne de Ghaza.
In fine, ce qui se passera dans le monde arabe dans la prochaine décennie… il se passera ce que la volonté des peuples arabes décidera, lorsque la démagogie se sera dissipée et l’imposture démasquée. Cela vaut aussi pour les forces progressistes arabes qui ont fait preuve d’une irresponsabilité déplorable en se présentant en ordre dispersé devant le suffrage universel lors des consultations d’Egypte et de Tunisie, dans la foulée du printemps arabe.
Le devoir des patriotes arabes, où qu’ils se trouvent, est de mener, de pair, un combat sans relâche contre le discours disjonctif occidental et la confusion mentale arabe, avec une vigueur particulière contre l’islam pathologique, lequel, en dix ans, du fait de la destruction des Bouddhas de Bamyane (Afghanistan) et les sanctuaires de Tombouctou (Mali) nous a aliéné près de la moitié de l’humanité. En toute impunité, en raison sans doute de l’immunité de leurs protecteurs, l’Arabie Saoudite et le Qatar, les deux plus importants pourvoyeurs de djihadisme erratique et partant de régression du monde arabe et islamique, par dévoiement du combat national de libération de l’emprise israélo-américaine
Interview réalisée par Mohamed El-Ghazi et Sarah L.
René Naba est animateur du blog
-Dernier ouvrage paru : Média et démocratie, la captation de l’imaginaire un enjeu du XXIème siècle, Golias, novembre 2012.
http://www.renenaba.com/parution-rene-naba-media-et-democratie/
http://www.algeriepatriotique.com
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