« Ni repentance ni excuses » ou l’art consommé du négationnisme

Youssef Girard

 

Le Président français avait d’emblée annoncé l’orientation qu’il souhaitait donner à sa visite en Algérie : « Je ne viens pas ici pour faire repentance ni excuses ». Il s’agissait donc pour François Hollande de se rendre en Algérie pour redéployer la vieille idéologie putride de la gauche coloniale française qui hier soutenait les crimes de masse contre le peuple algérien et qui aujourd’hui se complet dans le négationnisme.

 

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Quelque part dans les Aurès

 

Ce négationnisme de gauche adapte son discours, met les formes et joue sur les mots mais sur le fond, il s’agit toujours de la négation la plus absolue de la responsabilité des crimes commis par la France pendant cent trente-deux ans (1830-1962) en Algérie. Cette négation, F. Hollande la prononce au nom d’une prétention à la « vérité » historique face à un peuple ayant vécu cette histoire dans sa chair. Il faut être profondément imbu de sa supériorité d'occidental pour se croire autorisé à donner des leçons d’histoire à un peuple ayant vécu ce passé. François Hollande n’est manifestement pas sorti de l’ère coloniale où les occidentaux « civilisés » avaient la « mission » d’enseigner leurs lumineuses « vérités » à la sous-humanité des colonisés.

 

En plus de cet étalage de suprémacisme occidental, F. Hollande fait dans le détournement de responsabilités. Il reconnaît « les souffrances que la colonisation a infligées au peuple algérien » et il critique une colonisation « profondément injuste et brutale ». « Colonisation » mais qu’en est-il de la responsabilité de la France ? Qu’en est-il de la responsabilité de la République dont on nous vante perpétuellement les nobles « valeurs » ? Qu’en est-il des trois dernières Républiques françaises qui ont été inaugurées par des crimes de masse en Algérie (1) ?

Qu’en est-il de la responsabilité de l’armée et de l’administration française ? Qu’en est-il de la responsabilité de la gauche coloniale française qui a applaudi les massacres du 8 mai 1945 et voté les « pouvoirs spéciaux » en mars 1956 ?

 

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Prisonniers algériens entassés dans des fosses grillagées

 

Evidemment, nous n’en saurons pas davantage de la bouche du Président de la République française. Le négationnisme de gauche consiste non pas à nier totalement les faits mais à maquiller les responsabilités réelles en mettant uniquement en cause une entité abstraite et formellement disparue – la « colonisation » - qui ne pourra donc jamais rendre de comptes. F. Hollande espère certainement solder ainsi le passé colonial de son pays en Algérie à peu de frais.

 

Au-delà de ce détournement de responsabilités, F. Hollande fait dans l’euphémisme lorsqu’il parle simplement de « souffrances » ou de système « profondément injuste et brutal ». Seulement « brutale », la politique génocidaire française qui a provoqué la disparition de 30 à 58% de la population algérienne entre 1830 et 1872 ? Simples « souffrances », les six millions d’Algériens morts au cours de cent trente-deux ans d’une longue nuit coloniale (2) ? Uniquement « injustes », les massacres, les « enfumades », les viols, les déportations, les centres de tortures et autres camps d’internement de civils ? « Injuste » aussi la politique ethnocidaire visant à faire disparaître la culture arabo-musulmane en Algérie ?

 

Toutes ces circonvolutions verbales autour du passé colonial de la France en Algérie ne sont que l’expression d’un art consommé du négationnisme. La France pourra toujours se tresser des couronnes de lauriers de « patrie des droits de l’homme », la République se gargariser de ses valeurs « universelles », les peuples ayant vécu sous le joug français connaissent la réalité de son humanisme centripète qui s’arrête aux frontières de la race blanche. Définitivement, la France est indéfendable (3).

 

Youssef Girard

21 décembre 2012.

 

 

(1) La IIIème République a été fondée au moment des massacres de 1871 qui firent environ 300 000 morts, la IVème République dans la foulée des massacres du 8 mai 1945 et la Vème République en 1958 au cours de la guerre de libération nationale algérienne.

 

(2) Cf. Lacheraf Mostefa, L’Algérie : Nation et Société, Alger, Ed. Casbah, 2004

 

(3) Pour une critique de l’attitude des autorités algériennes, cf. Mahi Tabet Aoul, « Visite du Président français et séquelles de la colonisabilité », URL : http://assala-dz.net/ar/?p=2707

 

http://www.ism-france.org

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