L’ONGisme – Du néolibéralisme au « regime change »
par Ahmed Bensaada.
Bien que leur genèse soit beaucoup plus ancienne, les entités regroupées sous le vocable d’organisations non gouvernementales (ONG) ont eu un essor fulgurant dans les années 80 et 90 du siècle dernier et leurs domaines d’intervention se sont diversifiés : urgence humanitaire, alimentation, droits de l’homme ou environnement.
Bien que leur genèse soit beaucoup plus ancienne, les entités regroupées sous le vocable d’organisations non gouvernementales (ONG) ont eu un essor fulgurant dans les années 80 et 90 du siècle dernier et leurs domaines d’intervention se sont diversifiés : urgence humanitaire, alimentation, droits de l’homme ou environnement.
D’après les spécialistes, cet accroissement coïncide avec la montée
du néolibéralisme impulsé durant les années Reagan-Thatcher. Selon la
militante Ana Minski, « la prolifération des ONG au Sud, dans les
années 1990, est indubitablement liée à l’affaiblissement des capacités
gouvernementales à fournir des services publics, résultat des politiques
néolibérales qui se sont imposées dans le contexte d’un capitalisme
mondialisé et fortement financiarisé ».
À cause des politiques d’austérité et de réduction des dépenses
publiques, les gouvernements se sont tournés vers les ONG pour fournir
des services à bas prix, services qu’ils assuraient naguère dans les
secteurs de la santé, de l’éducation, de la culture, etc.
Abondant dans
ce sens, l’écrivaine indienne Arundhati Roy précise que les ONG
distribuent « au compte-gouttes, sous forme d’aide ou de bénévolat, ce à quoi les gens devraient normalement avoir droit ». Ce qui amène certains spécialistes à qualifier les ONG de « cheval de Troie » du néolibéralisme.
Avec la fin de la Guerre froide, les ONG ont été utilisées à d’autres
desseins.
Il s’agissait de la « démocratisation » des pays de l’Est
anciennement dans le giron soviétique, afin de les extraire de
l’influence russe. Dans cet objectif, les États-Unis ont déployé un
arsenal d’organismes spécialement dédiés à cette tâche.
Citons, à titre
d’exemple : l’USAID (United States Agency for International
Development), la NED (National Endowment for Democracy) et ses quatre
satellites, Freedom House et l’Open Society de G. Soros. À part ce
dernier qui est privé, tous les autres organismes sont financés
directement ou indirectement, partiellement ou entièrement par le
gouvernement américain.
Les satellites de la NED sont bien connus : l’IRI
(International Republican Institute), le NDI (National Democratic
Institute), le Solidarity Center et le CIPE (Center for International
Private Enterprise).
Pour se prévaloir de la dénomination d’ONG, une organisation doit
satisfaire au moins aux cinq conditions suivantes : l’origine privée de
sa constitution, le but non lucratif de son action, son indépendance
financière, son indépendance politique et la notion d’intérêt public de
sa mission. Dans le cas de ces organismes américains et des groupes
qu’ils financent dans les pays visés, ces conditions ne sont jamais
réunies.
L’utilisation de ces organismes a prouvé l’efficacité du « soft
power » étasunien dans les opérations de « regime change ». Cela a été
manifeste dans les révolutions colorées en Serbie, en Géorgie ou en
Ukraine.
Lors du « printemps » arabe, ces mêmes organismes américains
d’« exportation » de la démocratie ont été impliqués en Tunisie, en
Égypte, en Libye, en Syrie et au Yémen et le résultat désastreux de leur
implication est maintenant connu, tout particulièrement dans les trois
derniers pays.
Le modus operandi de cette « démocratisation » est toujours le même.
Des activistes locaux, regroupés ou non dans des ONG locales sont
choisis, financés, formés et réseautés dans leur région d’appartenance
(dans le cas des pays arabes, il s’agit de la région MENA – Middle East
and North Africa).
Lors d’éventuelles protestations populaires légitimes
causées par de réels problèmes sociaux, ces activistes se mettent aux
premières loges des manifestations et tentent de les diriger selon des
agendas concoctés à l’étranger.
Pour illustrer ce propos, citons des activistes comme Slim Amamou
(Tunisie), Mohamed Adel (Mouvement du 6 avril – Égypte), Ali Ramadan
Abouzaakouk, (Libya Human and Political Development Forum – Libye),
Aussama Monajed (Movement for Justice and Development – Syrie) et
Tawakkol Karman (Women Journalists Without Chains – Yémen).
En Algérie, plusieurs ONG locales financées par les organismes
américains ont été très visibles lors des manifestations, aussi bien en
2011 que lors du Hirak, en 2019-2020.
Il s’agit, entre autres, de la
Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH), du
Rassemblement Actions Jeunesse (RAJ), du Collectif des familles de
disparus en Algérie (CFDA), etc. Il est quand même curieux de constater
que les ONG qui reçoivent des subsides étrangers sont toutes sur la même
longueur d’onde concernant leurs revendications. Pas un seul petit
bémol ?
Qualifiés d’ONG – Organisations Non Grata -, les organismes
américains d’« exportation » de la démocratie ont été bannis de certains
pays comme la Russie qui a interdit USAID pour « ingérence dans la vie politique russe ».
La liste des ONG « indésirables » en Russie s’est allongée et englobe
actuellement la NED, le NDI, l’IRI, Freedom House et l’Open Society de
Soros.
En Amérique du Sud, les pays de l’ALBA (Alianza Bolivariana para los
Pueblos de Nuestra América) ont signé une résolution en 2012 demandant
l’expulsion immédiate de l’USAID des pays membres de l’alliance (la
Bolivie, Cuba, l’Équateur, la Dominique, le Nicaragua et le Venezuela).
D’autre part, certains pays du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et
Afrique du Sud) se sont dotés de lois interdisant ou renforçant le
contrôle des ONG sur leurs sols.
Depuis 2014, les ONG travaillant en Égypte ont l’obligation de
s’enregistrer auprès des autorités sans quoi, elles risquent la saisie
de leurs biens ou des poursuites judiciaires. En outre, les autorités
doivent également approuver tout financement venant de l’étranger.
Parmi les autres pays arabes, les Émirats arabes unis (EAU) ont
procédé, en 2012, à la fermeture des bureaux de plusieurs ONG étrangères
dont le NDI. De son côté, le député jordanien Zakaria Al-Cheikh a
demandé, en janvier 2016, à la chambre basse du Parlement de Jordanie de
mettre fin aux activités de ce même organisme arguant qu’il « constitue un danger pour la sécurité nationale ».
Il faut savoir que de telles activités sur le sol américain sont
régies par le « Foreign Agents Registration Act » qui est une loi
américaine exigeant l’enregistrement des lobbyistes représentant des
intérêts politiques ou économiques étrangers.
Finalement, il ne faut absolument pas croire que les ONG américaines
sont les seules actives sur le sol algérien. D’autres, européennes, y
sont très présentes.
Faut-il alors légiférer pour encadrer, contrôler voire interdire le
financement étranger des ONG en Algérie ? C’est certainement un point
sur lequel il est impératif de se pencher sérieusement dans un avenir
très proche.
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envoyé par Djerrad Amar
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