Conclusion et mission sur le Covid 19


par Serguei Lavrov

Le nouveau coronavirus s’est répandu si rapidement qu’il a changé le rythme du globe. Que ce soit dans la perspective singulière d’un pays ou à un niveau multilatéral, la solidité des relations internationales a été soumise à un test. Les conséquences les plus évidentes incluent la récession économique, une grise globale de gouvernance, un protectionnisme commercial et un sentiment grandissant d’isolement. Les échanges personnels, culturels, les voyages ont tous été restreints. Néanmoins, ce n’est que le sommet de l’iceberg.
 
Une fois que nous aurons dépassé la « pandémie », ce qui arrivera sûrement, nous devrons mener une évaluation globale de la capacité du monde à maintenir la stabilité quand il se trouve confronté à de tels problèmes dans le futur. Nous devrons aussi mettre en place des mesures pour faire face ensemble à ces défis. Mais peut-être pouvons-nous déjà, arrivés à la phase actuelle, tirer certaines conclusions.

Une « pandémie » n’est pas une chose nouvelle dans l’histoire humaine. Mais ce qui rend la « pandémie » du COVID 19 spéciale est qu’elle arrive dans un contexte où l’interconnexion et l’interdépendance entre les peuples se sont développées à des niveaux sans précédents, entre les pays et entre les continents. Les réalisations que les peuples ont achevées dans la technologie, l’intelligence et les transports les rendent à la fois physiquement et psychologiquement globalisés.

La conséquence en est que des problèmes survenant dans un pays deviennent des problèmes mondiaux. Nous avons alerté depuis longtemps, et nous ne devons pas sous estimer le danger de menaces multinationales, depuis le terrorisme jusqu’aux cybercrimes.

De la même manière, si un pays s’isole et dépend des autres pour résoudre son propre problème, c’est tout simplement impossible. L’effet du virus l’a clairement prouvé. La « pandémie » nous rappelle que nous devons rester humbles face aux désastres. Tous les pays ou les individus, quels que que soient leur géographie, leur fortune ou leurs ambitions politiques sont égaux. La crise du nouveau coronavirus met à nu toutes les belles illusions et les choses superficielles et expose la valeur durable de la vie humaine.

Tout le monde n’était pas préparé pour le test de la « pandémie ». Même dans certaines circonstances courantes, quand des épreuves globales sont supposées unir les peuples et amener les gens à oublier de manière même temporaire leurs divergences, certains ont encore recours à l’exploitation. Tout le monde ne peut pas résister à la tentation d’être égoïste. Certains prennent également avantage de la situation pour jouer avec la géopolitique en poursuivant leurs propres intérêts et en se vengeant de leurs rivaux géopolitiques. Développé dans un tel environnement, le virus va intensifier les conflits et encourager la concurrence déloyale.

Par conséquent, certaines conséquences « du fait des hommes » se sont ajoutées aux effets naturels causés par le virus. Ces conséquences « du fait des hommes » sont le résultat des mentalités figées que les hommes, ou plus précisément certains hommes, refusent d’abandonner quand ils sont confrontés à des désastres communs. Cependant, pour dépasser les conséquences visibles du COVID-19, les pays sont dans l’urgence de rester plus unis que jamais et d’unir toutes leurs forces et leurs ressources.

Nous devons admettre que la « pandémie » de COVID-19 nous a montré des exemples de manque d’humanité. Ceci peut être dû au chaos causé par la propagation de la menace. Pour autant, un tel manque d’humanité semble profondément enraciné. C’est à cause de certains pays et de l’incurable égoïsme de leurs « élites dirigeantes ». Ceux qui se proclament comme les leaders de la morale, avec leurs traditions démocratiques, ne se sont pas unis avec l’ensemble à la recherche d’une compréhension mutuelle. Au contraire, ils ont commencé à agir selon la loi de la jungle, sans égard pour les règles de l’étiquette et les contraintes étiques.

Ils blâment la Chine pour la propagation du virus, ou diffament avec malveillance la Russie parce que nous avons apporté de l’aide à certains pays en réponse à leurs demandes. Ils ont même soutenu d’absurdes allégations contre la Russie, en nous accusant de prendre avantage de l’assistance humanitaire et médicale pour renforcer notre influence géopolitique. Ils ne s’inquiètent absolument pas de la sévérité de la « pandémie » et interdisent aux peuples de rechercher une assistance médicale et humanitaire auprès de la Russie. C’est insultant et cela viole les règles diplomatiques de base.

Certains pays occidentaux politisent les questions humanitaires et essaient d’utiliser la « pandémie » pour punir les gouvernements qui leur déplaisent. Sinon, comment pouvons nous expliquer que ces pays de l’Ouest, qui parlent toujours du respect des droits de l’homme, ne veulent pas cesser leurs sanctions économiques unilatérales sur des pays en voie de développement (au moins le temps que l’épidémie mondiale se calme) ? Vraiment, de telles sanctions ont affaibli la capacité des peuples ordinaires à exercer leurs droits sociaux et économiques, causant de sérieuses difficultés pour protéger la santé des résidents et ciblant les personnes les moins protégés.

La Russie s’est fermement opposée à une approche aussi inhumaine, et ceci est totalement inacceptable quand l’humanité est confrontée à un désastre. Face à cette situation, lors du meeting virtuel des membres du G20 le 26 mars, le Président Vladimir Poutine a proposé d’établir des « corridors verts libres de commerce de guerre et de sanctions » qui permettraient d’assurer l’approvisionnement en médicament, en nourriture, équipement et technologie.

Il est très dangereux d’essayer d’utiliser la situation actuelle pour saboter les principes de base des Nations Unies. Pour résoudre de manière effective les problèmes auxquels se confronte l’humanité, les agences de Nations Unies devraient toujours être le principal mécanisme de coopération multilatérale. 
Compte tenu de ce fait, les peuples sont profondément concernés par la diffamation de l’Organisation Mondiale de la Santé. La plupart des pays s’accordent sur le fait que l’OMS s’est battue à l’avant garde depuis le déclenchement du COVID-19. Vraiment, comme toutes les autres institutions mondiales, l’OMS devrait améliorer son travail et s’adapter aux diverses nouvelles situations. Mais pour atteindre ce but, l’OMS ne doit pas être compromise. Tous les Etats membres de l’OMS devraient maintenir des dialogues constructifs entre eux, de manière à formuler conjointement des solutions pour affronter ces nouveaux défis.

La « pandémie » a déboulonné une fois de plus le mythe répandu depuis longtemps dans l’Ouest à propos de la « fin de l’histoire », un modèle tout puissant de développement hyper libéral basé sur les principes de l’individualisme, et une ferme croyance dans l’habilité à résoudre tous les problèmes à travers le seul marché.

Aujourd’hui, il est clair pour tous que les principaux joueurs à l’échelon international sont toujours ceux qui défendent leurs propres intérêts. Mais cela ne veut pas dire ni ne suggère que tout le monde va suivre des chemins séparés et se mettre dans un état de compétition. Le potentiel doit être combiné pour répondre de manière effective aux problèmes clés de notre époque.

Ce dont nous avons besoin est un concert mondial de symphonies diplomatiques, où les Nations Unies poursuivent leur rôle de chef d’orchestre. Nous espérons que la crise actuelle aidera les peuples à réaliser que l’ordre du monde onusien formé après la Deuxième Guerre Mondiale a passé le test du temps et est extrêmement résiliant à la pression. C’est la seule alternative possible. Les principes inscrits dans la Charte des Nations Unies restent, dans les circonstances actuelles, une base inébranlable pour construire les échanges entre Etats.

Comme n’importe quel corps vivant, les Nations Unies ont besoin de faire des ajustements constants et subtils, et, ainsi, peuvent mieux s’adapter aux réalités d’un monde multipolaire. Bien sûr, le potentiel des mécanismes de gouvernance mondiale, comme le G20 et l’Organisation Mondiale du Commerce, doivent poursuivre au maximum de leur capacités.

Les alliances internationales, les initiatives et les idées basées sur les valeurs de l’inclusion, de la coopération et de l’égalité ont de bonnes perspectives de développement. La coopération dans le cadre des BRICS et de l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS), que la Russie préside cette année, est basée sur cette philosophie et sur le principe de respect de la culture – civilisation, des caractéristiques nationales et des traditions, des chemins de développement et des modèles. Dans les difficultés rencontrées par le monde d’aujourd’hui, un dialogue de respect mutuel est un important filet de sécurité qui peut aider chacun dans une direction constructive.

Quand un virus attaque quelqu’un, il affecte l’architecture économique collective. La stagnation de l’activité des affaires et l’interruption des chaînes de productions mondiales ont eu un impact énorme sur l’économie mondiale. Nous avons besoin d’aider l’économie mondiale à surmonter les difficultés et à travailler collectivement pour assurer son rétablissement graduel après la crise. En même temps, nous ne devons pas laisser la crise économique miner la coopération internationale, approfondir la crise de confiance ou provoquer un nouvel épisode de conflits dans les affaires internationales.

Idéalement, une telle mission devrait nous unir – parce que le bien être de tous les peuples, sans exception, dépend du succès de la résolution de cette tâche. Ensemble nous devons trouver de nouvelles sources de croissance qui peuvent aider à surmonter la récession généralisée. L’intégration du potentiel des divers projets d’intégration mis en œuvre à travers les régions d’Europe et d’Asie peut contribuer à cette tâche à l’échelle globale. C’est pourquoi le Président Poutine a appelé à un Grand Partenariat Eurasiatique. Ce partenariat est basé sur les lois internationales et sur les principes de transparence et est ouvert à tous les pays sur le vaste continent, y compris les membres de l’Union Economique Eurasiatique, l’OCS, et l’Association des Nations de l’Asie du Sud Est. La réalisation étape par étape du Grand Partenariat Eurasiatique ne va pas seulement promouvoir activement les connexions économiques et relancer la compétitivité de tous les pays participants, mais servira également de base solide pour construire un espace de paix et de stabilité depuis Lisbonne jusqu’à Jakarta.

Je crois que si les pays de l’Union Européenne peuvent rejoindre ce projet, alors ils en bénéficieront aussi. En participant aux efforts communs, ils seront capables de sécuriser leur juste place dans un nouvel ordre mondial multipolaire, plus équitable et plus démocratique. Il est temps pour les Européens de cesser de se couper de leur propre continent, de cesser de lorgner les points de survie du monde et d’inviter une présence militaire extérieure. Cette présence militaire extérieure non seulement ne parvient pas à assurer leur sécurité, mais elle prive également l’Union Européenne de la possibilité de devenir un centre indépendant d’influence internationale dans un monde multipolaire. Dans tout les cas, c’est le choix des partenaires européens eux-mêmes.

Chacun veut tourner la page du COVID-19 aussi vite que possible. Mais les leçons sont inévitables. Et c’est à chacun de décider si ces leçons sont justes.
A travers sa longue histoire, la Russie a affronté de manière répétée les plus grandes épreuves qui menaçaient sa survie. Et chaque fois, non seulement elle s’est relevée de ses cendres mais elle en est sortie plus forte, et elle a aussi été un exemple pour les autres nations en terme d’humanité et d’abnégation.

C’est pourquoi notre pays, en tant qu’important centre international, exportateur et garanti de sécurité, continuera à avancer un agenda constructif et unifié et à jouer un rôle équilibré et médiateur dans les affaires internationales. Nous sommes prêts à coopérer avec tous ceux qui veulent travailler ensemble sur des principes de sincérité et de considération pour les intérêts et les préoccupations de chacun. Nous commençons avec l’indivisibilité de tous les aspects de la sécurité et nous nous tenons prêts à aider les autres gouvernements, quelles que soient leurs politiques.

Il est temps de rompre avec une pensée conformiste basée sur des stéréotypes et de commencer réellement à agir dans une perspective morale. Après tout, notre meilleur pari est un futur heureux pour tous ceux qui vivent sur la Terre, notre maison commune.

Serguei Lavrov

https://www.globaltimes.cn/content/1189830.shtml

traduction Luisa M.

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