PALESTINE : DU DELIT DE NON ASSISTANCE A PEUPLE EN DANGER
Comment une population sinistrée, trahie par les uns et les autres, peut-elle vaincre un ennemi surarmé et soutenu à bras-le-corps par l’Occident américano-centré ?
Thami BOUHMOUCH
Le désastre perpétré par l’Otan en Libye et l’acharnement actuel des médias-mensonges sur la Syrie tendent à nous faire oublier le drame en Palestine occupée. C’est l’entité sioniste, bien sûr, qui tire le plus grand profit de cette diversion programmée. Derrière l’écran de fumée, le processus de destruction des maisons palestiniennes se poursuit à vive allure. Comment une population sinistrée, spoliée, trahie par les uns et les autres, peut-elle vaincre un ennemi féroce, surarmé et soutenu à bras-le-corps par l’Occident américano-centré ? L’injustice à laquelle nous assistons passivement dépasse l’entendement, parait inconcevable.
Pour comprendre les faits en devenir, on gagne presque toujours à se référer à l’Histoire. Revenons-y ici en deux mots : après la Seconde Guerre, l’Europe a sur les bras des centaines de milliers de juifs survivants du génocide. Elle parvient tant bien que mal à un consensus quant à la création d’un Etat pour les juifs. Notons que l’idée en sous-main était de les éloigner, car ils étaient perçus comme « une menace pour la civilisation européenne » (cet aspect factuel n’est pas le propos ici). Le choix s’est alors arrêté sur cette terre arabe lointaine, la Palestine (l’Ouganda a failli faire les frais d’un tel projet d'implantation, sur proposition britannique)... Enfin soulagés, les officiels de l’époque annoncent solennellement la «fin du problème juif». En termes humains, cette décision a donné lieu à la déportation de près d’un million de Palestiniens, à des massacres programmés de civils et une dévastation systématique. C’est la Nakba, autrement dit le fléau, la calamité, le désastre. De cette manière, « l’Europe s’est débarrassée de son crime sur le dos du peuple palestinien, qui n’avait pas la moindre responsabilité dans le génocide ». (1)
Le nouvel Etat, créé donc de toutes pièces, rejeton de la mauvaise conscience, a très rapidement débouché sur une abomination. Sur ce point, R. Bibeau écrit avec raison : « Ce cancer impérialiste de souche européenne, implanté au cœur de la vie, au Levant d’une Méditerranée souillée par la pollution de ces colonisateurs industriels avides, arrogants et génocidaires ! Cette "colonie colonisatrice" incrustée tout près du canal de Suez, […] cette entité sioniste plantée entre la mer qu’elle a asphyxiée et Gaza la ville martyre indomptable. Cette plaie sioniste théocratique, terroriste, qui se complait à humilier tous les peuples arabes ! » (2)
Le peuple palestinien, désigné pour «payer les pots cassés», subit une terrible persécution depuis des décennies. Il vit dans sa chair, jour après jour, les exactions les plus invraisemblables. Pour se faire une petite idée, je propose de reprendre ce compte-rendu (extrait) :
« Khan Younis : Israël ouvre le feu sur les fermes et maisons à proximité de la ligne verte - Un villageois assassiné près de Jérusalem - Incursion israélienne : récoltes rasées au bulldozer […] Les troupes d’occupation détruisent une station essence - Les troupes déracinent plus de 200 oliviers et ruent de coups un travailleur - Des soldats israéliens enlèvent un enfant de 14 ans - Des colons jettent des pierres sur des maisons et tabassent leurs résidents - Des fanatiques sionistes mettent le feu à des véhicules dans un village - Incursion de nuit et invasion de l’armée dans 17 villes et villages - 3 attaques – 37 raids - 3 tabassés - 5 blessés - 12 palestiniens arrêtés - 15 gardés en détention - 92 restrictions de la liberté de circulation… ». (3)
Ce récit, un parmi d’autres, porte sur la seule journée du 23 février 2011. Que dire, par exemple, de ces civils à Gaza – dont trois enfants de 9 à 11 ans – qui ont été tués par un missile israélien ? Ces enfants jouaient au ballon dans la rue, devant leur maison. Leur mort est passée tout simplement inaperçue. (4) Ce n’est qu’un petit aperçu de la tragédie qui se déroule sous nos yeux en Palestine. Je pense qu’en dehors des sinistrés eux-mêmes, nul ne peut avoir idée de l’ampleur des souffrances endurées. Pour autant, le peu que nous sachions est largement suffisant pour susciter l’exaspération… Le monde continue de fermer les yeux, dans un sommeil hypnotique, sur les crimes commis et les manipulations. S’il semble s’y faire, c’est par une sorte de lâcheté bien établie. C’est plus facile, plus confortable d’être avec le spoliateur (soutenu par tous) qu’avec le spolié (trompé par tous).
Le nouvel arsenal de propagande est responsable de la perversion des faits, de la manipulation/modelage de l’opinion publique mondiale. Les «reportages» sur l’Etat juif sont affligeants : des épisodes de sauvagerie meurtrière épouvantable sont cyniquement dissimulés. Les médias aux ordres sont, à un degré ou à un autre, aux mains des sionistes ; ils n’informent pas mais communiquent pour les groupes qui les rétribuent... Il n’en demeure pas moins que les gens ne sont pas des otages des médias ; ils ne sont pas livrés pieds et poings liés aux reporters et chroniqueurs sans scrupule ; ils ne sont pas tenus de gober tout rond tous les mensonges funestes (comme hier en Libye et aujourd’hui en Syrie). En face, il y a nombre de sites d’information alternative, des « alter-journalistes » dynamiques et compétents. M. Collon note à ce propos : « Si l’info est dominée et déformée par les intérêts cachés de ceux "d’en haut", il appartient dorénavant à ceux "d’en bas", aux simples citoyens de prendre en main la bataille pour une information correcte ». (5)
Il y a lieu désormais de mettre en avant le délit de non assistance à peuple en danger. Le peuple palestinien est connu pour son humanité et sa force d’âme. Mais il est affaibli par plus de 60 ans d’occupation militaire meurtrière. Toute personne ayant conservé quelques qualités morales et éthiques, devrait s’élever par tous les moyens possibles contre les atrocités sionistes. Les tueries sont commises au nez des puissants de ce monde (les garants des « droits de l’homme », ne l’oublions pas), mais on se garde d’émettre la moindre réprimande. Lorsque Israël s’est mis à bombarder Gaza, ont-ils instauré une « no Fly zone » ? Ont-ils imposé des sanctions ? « Une majorité de la population israélienne considère qu’à terme, les Palestiniens seront, comme les Amérindiens, marginalisés et incapables de réclamer quoi que ce soit. […] Un tel discours colonial et raciste aurait dû rencontrer l’hostilité de la communauté internationale ». (6) Voilà où nous en sommes.
Cette fameuse «communauté internationale» – c’est-à-dire les Etats-Unis et ceux qui leur sont inféodés – n’a que des intérêts, pour lesquels elle ne recule devant aucune infamie. Le silence qui accueille les forfaits commis à répétition par l’entité sioniste, est une forme extrêmement grave de complicité criminelle ; il révèle aussi la faillite morale du système de l’ONU. L’indifférence bienveillante est perçue par l’Etat voyou comme un soutien. Les complices se recrutent même dans le voisinage. Moubarak était le prototype du collabo : lors de l’attaque meurtrière contre la population de Gaza en décembre 2008, il a gardé la frontière de Rafah hermétiquement fermée, afin d’empêcher l’évacuation des blessés. Qui pouvait l’imaginer ?
Les entreprises Ikea, Volvo, Veolia, Dexia, Soda Club, Ahava, Agrexco : qu'est-ce qu’elles ont en commun ? Elles sont complices de crimes contre l'humanité. C’est la conclusion à laquelle le Tribunal Russell pour la Palestine (TRpP) a abouti au sujet des violations des droits humains et du droit international par Israël (novembre 2010). (7) Il s’agit d’un tribunal populaire international, créé en réaction à l’inaction générale face à ces violations avérées.
Va-t-on un jour demander des comptes à tous ceux qui, pendant des décennies, ont consenti aux atrocités commises ? En attendant, gageons qu’ils se représentent bien l’image insultante de ce qu’ils sont et peut-être se haïssent-ils eux-mêmes. Recevoir les chefs sionistes avec tous les honneurs, en plus d’être une complicité de crime au grand jour, est d’abord le signe d’une absence totale de morale. L’Empire et ses vassaux ne savent-ils pas que malgré les concessions faites par « l’Autorité » Palestinienne, les sionistes ont méthodiquement fermé toutes les possibilités d’issue pouvant mettre fin à l’occupation, que l’Etat juif est le seul à n’avoir jamais appliqué aucune des résolutions onusiennes, que son armée est composée de criminels, comme les rapports d’Amnesty International et de Human Rights Watch l’ont confirmé, que des milliers de Palestiniens sont enfermés dans des conditions inhumaines, que des enfants sont torturés, que des maisons et terres agricoles sont détruites, que des journalistes et militants sont assassinés ?
L’Occident qui se découvre curieusement une passion pour les droits de l’homme, n’a-t-il pas été prévenu des massacres perpétrés à Gaza (s’ajoutant à ceux de Sabra, Chatila et Jenine) ? Ne sait-il pas que près de 1,5 million de Gazaouis sont privés de nourriture, d’électricité, d’eau et de ciment, que le blocus leur interdit de sortir ou de pêcher ? Ceux qui se taisent, ne sont-ils pas aussi abjects que les malfrats sanguinaire-res qu’ils cautionnent ? Lisons encore M. Collon : « L’Europe et ses fabricants d’armes collaborent étroitement avec Israël dans la production des drones, missiles et autres armements qui sèment la mort à Gaza. […] Sous cette occupation, 20% de la population palestinienne actuelle a séjourné ou séjourne dans les prisons d’Israël. Des femmes enceintes sont forcées d’accoucher attachées à leur lit et renvoyées immédiatement-tement dans leurs cellules avec leurs bébés ! Mais ces crimes-là sont commis avec la complicité active des USA et de l’UE ». (8)
Le summum de l’abjection est illustré par ce discours typique d’Obama : « Quant à Israël, notre amitié est profondément enracinée dans une histoire et dans des valeurs partagées. Notre engagement envers la sécurité d’Israël est inébranlable. Nous nous opposerons à toutes les tentatives en vue d’en faire la cible de critiques au sein des instances internationales ». (9) Il y aurait donc des valeurs… qu’on nous dise lesquels-les ? En tout cas, notons-le, il est question de s’opposer, non pas aux sanctions mais seulement aux critiques…
Il faut fournir des efforts surhumains pour qu’une telle veulerie ne donne des haut-le-cœur.
Thami Bouhmouch
Professeur univ., Casablanca
Décembre 2011
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(1) Pierre Stambul, http://la-feuille-de-chou.fr/archives/18517 Février 2011
(2) Robert Bibeau, http://www.legrandsoir.info/Le-maillon-faible-la-crise-arabe.html Mars 2011
(3) Euro Palestine, http://www.michelcollon.info/Ce-matin-je-l-ai-ecrit-et-publie Février 2011
(4) Cf. à ce propos : Ziad Medoukh, http://www.info-palestine.net/article.php3?id_article=10376 Avril 2011.
(5) Michel Collon, http://www.michelcollon.info/S-informer-c-est-la-cle-Un-appel.html Mars 2011
(6) Pierre Stambul, http://alternatifs0726.over-blog.com/article-palestine-espoir-et Mai 2011
(7) Cf. http://www.michelcollon.info/Tribunal-Russell-les-entreprises.html Décembre 2010
(8) Michel Collon, http://www.michelcollon.info/Comprendre-la-guerre-en-Libye Avril 2011
(9) Cité in : http://iipdigital.usembassy.gov/st/french/texttrans/2011/05/ Mai 2011.
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