Etonnant : Les Inrocks disent la vérité sur Homs !
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Le PJF – paysage journalistique français – peut encore nous ménager des surprises, même sur un sujet aussi « bétonné » que la crise syrienne. La surprise est d’autant plus grande quand elle vient d’un journal aussi caricaturalement représentatif de la bien-pensance que Les Inrocks, organe central du boboïsme culturel français. Eh bien contre toute attente Les Inrocks viennent de publier un reportage sur la Syrie où l’envoyé de l’hebdo socialo-branché se croit obligé de contrevenir plusieurs fois aux clichés bien pensants habituels. Le reportage sur Homs devrait même faire honte à ses collègues d’I-Télé ou d’Arte !
D’abord, Karim Baïla note, sitôt arrivé en Syrie, qu’il y a plus de barrages de l’armée au Liban qu’en Syrie. ensuite à Damas il ne peut que constater le calme, et même l’insouciance, de la population, et s’extasie presque devant les terrasses de café bondées d’une jeunesse joyeuse. Et où des chrétiens manifestent leur soutien au régime et leur « refus de la déstabilisation de la Syrie« .
Karim Baïla observe, peut-être pour rassurer ses lecteurs, que Damas n’est pas un bastion de la contestation. Justement, le journaliste des Inrocks se rend à Qousseir, dans l’ouest. Passé – sans encombre – un barrage de l’armée, Baïla arrive dans une ville apparemment fantôme, suintant la tension ; là, une dizaine de jeunes le conduisent dans une ferme isolée où « cantonnent » quelques « combattants » de l’ASL. Qui se lancent dans les diatribes habituelles contre Bachar. Las, la conférence improvisée est abrégée par un retour offensif de l’armée régulière.
Homs : les enfants chrétiens interdits de Noël par les insurgés
Direction Homs. Première impression : deux policiers viennent d’être abattus par des activistes et, un peu plus tôt, un bus de voyageurs a été mitraillé, plutôt par des rebelles que par des hommes de Bachar. On entend des tirs continuels, les gens traversent les rues en courant. L’homme des Inrocks se rend dans le quartier « le plus dangereux » de Homs : un ancien quartier à touristes. Karim Baïla y rencontre une famille chrétienne dont le chef, Rachid, lui décrit une situation des plus pénibles : depuis des heures la famille est cloitrée chez elle. Enfin « chez elle » : elle a dû, la semaine précédente, fuir son vrai domicile, situé dans « la rue de la mort« , des « terroristes » ayant enfoncé leur porte pour chasser la famille et installer leur poste de combat dans son appartement. Et tout le reste et l’avenant, dans ce bastion de la « contestation » : « Cette année, il n’y aura pas de Noël pour les enfants » dit Rachid, qui en donne aussitôt la raison : « ‘On a reçu des avertissements dans les boites aux lettres, qui nous interdisent entre autres de décorer les façades de nos maisons ».
Et Rachid de continuer cette évocation de la vie dans les quartiers libérés par les « ASL/Salafistes » : « On ne vit plus » dit-il. « Dès la nuit, ils coupent l’électricité pour pouvoir patrouiller dans les ruelles. Ils ne sont même pas d’ici. » Et le Homsi précise que l’un de ces guérilléros, cagoulé, avait « un fort accent libanais« . Or c’est lui qui donnait des ordres aux autres.
Autres exploits de la résistance : le meurtre. Deux jours plus tôt, un des amis de Rachid a été tué d’une balle dans la tête parce qu’il ne voulait pas donner sa voiture aux activistes. La femme de Rachid confirme le témoignage de son mari : « Ces gangs tirent sur l’armée et les gens pour semer la terreur. On vit l’enfer depuis début novembre, cloitrés dans nos maisons avec la crainte perpétuelle de recevoir une balle à travers les fenêtres. »
Et pus Rachid, sur le coup de 19 heures, demande au reporter de partir : « S’ils apprennent que nous parlons à un journaliste, c’est fini pour nous ! »
« On n’en peut plus, la population est prise en otage ! »
Et son guide raccompagne Karim Baïla dans Homs plongé dans la nuit. Pas une douce nuit : la fusillade est incessante, les rues sont désertes. Au matin, quelques écoles sont ouvertes, mais pas ou peu d’élèves. Là encore, le journaliste recueille des témoignages de civils terrorisés par les tirs de roquettes et d’armes automatiques. Des militaires repèrent le journaliste, l’emmènent dans leur poste aménagé dans un centre commercial. Baïla note qu’ils ont les traits tirés. Ces hommes n’ont pas dormi de la nuit. Et pour cause : le chef de poste dit que lui et ses hommes ont reçu 16 tirs de lance-roquettes. Baïla leur pose la question rituelle sur la violence de l’armée régulière à l’encontre de la population. L’officier répond sans ambages :
« Nous, nous tuons les terroristes. Hier, des dizaines de combattants venus du Liban ont investi le quartier pour en découdre avec nous, ils s’habillent en militaires et sèment la terreur. Nous avons passé une nuit infernale ! » Et le militaire pose la question : « Quel intérêt aurions nous à tirer sur la population ? Nous serions tellement mieux dans nos casernes, nous ne voulons pas la guerre civile« .
Karim Baïla se hasarde – conscience professionnelle louable – dans la fameuse « rue de la mort« . Là il reconnait un commerçant qui l’entraine dans son magasin, prenant soin de refermer le rideau de fer : « Regardez, il y a eu des tirs dans mon magasin. On n’en peut plus de cette situation. La population est prise en otage. On ne veut plus vivre tous les soirs une guerre sans pitié ! »
Il ne reste plus à Karim Baïla des Inrocks à quitter Homs. Sur une dernière vision horriblement symbolique : « un corps, sur le trottoir, découpé en morceaux« , à côté duquel les passants vont et viennent sans lui prêter d’attention.
Rappelons que ce reportage est paru dans un hebdomadaire qui est à peu près l’exact correspondant journalistique de la chaine Arte. Comme quoi les miracles d’objectivité existent, même dans la médiacratie française !
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