Comment l’Occident a vaincu en Libye

URUBU, le nom africain pour le vautour américain
Les textes de Pepe Escobar sont souvent très intéressants, mais aussi difficiles à traduire, du moins pour moi. J’ai renoncé à plusieurs reprise à la traduction d’articles écrits par ce journaliste Brésilien.
Je me suis quand même décidé à traduire un se ses récents papiers parus dans Asia Times. Je suis pas vraiment satisfait du résultat, mais bon…
Dans cet article, Pepe Escobar revient sur la victoire de l’OTAN en Libye, une victoire que le président des États unis a d’ailleurs revendiquée comme telle, balayant ainsi toute idée saugrenue selon laquelle des «rebelles» auraient mis à bas le régime du colonel Kadhafi.
L’action de l’OTAN en Libye correspond en fait à un nouveau concept stratégique des États Unis qui consiste à faire faire la partie visible du job par d’autres, en l’espèce les alliés incorporés dans l’OTAN et, dans des cas comme celui de la Libye, les monarchies démocratiques arabes.
Pour Pepe Escobar, la guerre de Libye marque un nouveau degré de la déchéance de l’Occident qui s’est trouvée réduite à s’allier avec ceux qu’elle pourfend ailleurs, les prétendus combattants du «djihad» associés à d’anciens dignitaires du régime abattu.
Un scénario que certains seraient tentés de reproduire en Syrie où, pour l’instant, le gouvernement a réussi à éviter l’apparition d’un « Benghazi » d’Orient qui pourrait servir à donner un point d’appui militaire à une intervention dite « humanitaire ».
Escobar compare les occidentaux à des vautours qui se vautrent sur la dépouille du colonel Kadhafi, chacun revendiquant sa part de responsabilité dans l’assassinat de l’ancien dirigeant Libyen.
Les Français avaient été sans doute les premiers à claironner leur part dans le meurtre, suivis de près par les Américains. C’est maintenant au tour des Anglais qui disent que leurs forces spéciales SAS encadraient sur place à Syrte les forces du Conseil National de Transition et ont organisé la coupure des voies de retraite possibles pour Kadhafi et ses hommes. Des forces spéciales du Qatar travaillaient également avec les SAS, le Qatar étant vous le savez, une démocratie modèle.

Et last but not least, ce sont maintenant les Allemands qui revendiquent leur portion du cadavre du dirigeant Libyen. Ils le font à la manière hypocrite coutumière des occidentaux en disant qu’ils savaient depuis un moment où se trouvait le colonel Libyen mais prétendent n’avoir «pas transmis les données de localisation précises qui ont mené à l’attaque de l’Otan jeudi dernier ».

A part ça, l’Allemagne n’était pas partie prenante de l’action militaire. Mais quand vient l’heure de festoyer…

Au lieu d’utiliser le mot vautour (vulture), Escobar aurait dû utiliser la désignation brésilienne de cet animal nécrophage : URUBU.

Bernard Lavilliers avait fait une très bonne chanson sur le thème de l’urubu :

Urubus, vous n’avez pas de cri

Cri de chasse, cri d’amour, cri de peur

Urubus, vous attendez qu’on meure

Mort de faim, mort d’amour, mort de peur

Cercles noirs cisaillant le ciel vide

Sans espoirs, attentifs et avides

Sans beauté, sans couleur et sans race

Obstinés, nettoyeurs et voraces

Anonymes citoyens solitaires

………………………………..

Urubus

Les aigles sont déchus

Innombrables vous gardez les issues !

Et comme le dit Bernard Lavilliers dans l’intro de sa chanson : Urubu, c’est le nom africain du vautour américain. Un texte qui a gardé toute sa valeur ainsi qu’en témoigne ce qui se passe en Libye où nous avons le grand urubu américain et les petites hyènes d’Europe et du Canada.

Les Anglais d’Alan Parsons Project avait fait aussi un très bon titre dans une veine assez voisine avec Vulture Culture (culture de vautour), une chanson absolument d’actualité.

Pepe Escobar
Lundi 24 Octobre 2011
par Pepe Escobar, Asia Times (Hong Kong), 22 octobre 2011 traduit de l’anglais par Djazaïri
Ils se disputent la carcasse comme des vautours. Le ministère français de la défense dit que c’et lui qui l’a eu avec des tirs d’avions Rafale sur son convoi. Le Pentagone dit qu’il l’a eu avec un missile Hellfire tiré d’un Predator. Après qu’un colonel Mouammar Kadhafi blessé eut cherché refuge dans un tube de drainage sous une autoroute – un rappel sinistre du “trou” de Saddam Hussein – il a été découvert par las « rebelles » du Conseil national de Transition (CNT). Et puis dûment exécuté.
Abdel-Jalil Abdel, un médecin Libyen qui a accompagné le corps de Kadhafi dans une ambulance et l’a examiné a déclaré que la mort avait été causée par deux balles, une dans la poitrine et l’autre à la tête.
Le CNT – qui a proféré mensonges sur mensonges pendant des mois – jure qu’il est mort dans un “échange de tirs”. Mais c’est peut-être la foule qui l’a tué. C’est peut-être Mohammad al-Bibi, un jeune de 20 ans qui arbore une casquette aux couleurs de l’équipe de base-ball des New York Yankees et qui a pose pour le monde entier avec le pistolet plaque or de Kadhafi, sans doute son certificat pour obtenir la coquette prime de 20 millions de dollars offerte pour Kadhafi “mort ou vif.”
Les choses sont de plus en plus curieuses quand on se souvient que c’est exactement ce que la secrétaire d’Etat US Hillary Clinton avait annoncé moins de 48 heures auparavant, lors de sa visite éclair à Tripoli : Kadhafi doit être « capturé ou tué. » La bonne fée a exaucé les souhaits de Mme Clinton qui en a été informé en regardant l’écran d’un Blackberry – et a réagi avec un tonitruant et riche de sens « Wow. »
Le butin ira aux vainqueurs. Ils ont tous participé : l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), le Pentagone et le CNT. Dès la première minute, une résolution de l’ONU imposant une zone d’exclusion aérienne dans le ciel libyen s’est transformée en feu vert pour un changement de régime et le plan A a toujours été de le capture et de le tuer. L’assassinat ciblé, telle est la politique officielle de l’administration Obama. Il n’y avait pas de plan B.
Laissez-moi vous bombarder pour vous protéger
A propos de la “Responsabilité de Protéger” les civils (R2P), ceux qui doutent de ses vertus devraient s’accrocher aux explications données par le secrétaire général de l’OTAN, Anders Fogh Rasmussen : « L’OTAN et nos partenaires ont appliqué avec succès le mandat historique des nations Unies pour protéger la population libyenne. » Quiconque veut vérifier la protection des civils par l’OTAN n’a qu’a monter dans un pick-up et aller à Syrte – la nouvelle Falloujah.
Les réactions ont été assez instructive. Le bureaucrate du CNT Abdel Ghoga l’a jouée Colisée dans la Rome Impériale et déclaré, “Les révolutionnaires ont eu la tête du tyran.”
Le président des Etats Unis Barack Obama a affirmé que la mort de Kadhafi signifie que “nous voyons la force du leadership américain dans le monde.” Ce qui revient à « nous l’avons eu” auquel on pouvait s’attendre, sachant également que Washington a assume pas moins de 80 % des coûts opérationnels de ces imbéciles de l’OTAN (plus d’un milliard de dollars – dont le mouvement d’occupation de Wall Street pourrait dénoncer en disant que cet argent aurait pu servir à créer des emplois aux USA). Bizarre que les Etats Unis disent maintenant « nous l’avons fait », parce que la maison Blanche a toujours affirmé que ce n’était pas une guerre ; c’était quelque chose de « cinétique ». Et ils n’étaient pas à la tête de l’intervention.
C’est le majestueux stratège de la politique étrangère, le vice président US Joe Biden, qui s’est chargé d’apporter un éclairage beaucoup plus vif que celui d’Obama : « Dans cette affaire, l’Amérique a dépensé 2 milliards de dollars et n’a pas perdu une seule vie. C’est plus de cette manière que nous traiterons les affaires du monde à l’avenir. »  Le monde est prévenu, c’est ainsi que l’empire va s’occuper de lui à partir de maintenant.
Sentez mon amour humanitaire
Alors félicitations à la “communauté international – qui est constituée comme chacun sait de Washington, de quelques membres dociles de l’OTAN et des familles royales démocratiques du Qatar et des Emirats Arabes Unis dans le golfe persique. Cette communauté, du moins, a apprécié le résultat. L’Union Européenne a salué « la fin d’une ère de despotisme.» Alors qu’il y a seulement quelques mois ils caressaient le burnous de Kadhafi, ils se renient maintenant dans des éditos sur les 42 ans de règne d’un “bouffon.”
La présence de Kadhafi au tribunal pénal international de La Haye aurait été des plus gênantes parce qu’il aurait volontiers rappelé les baises-mains, les accolades chaleureuses et les contrats juteux que l’Occident venait lui quémander après être passé du statut de «chien fou» (Ronald Reagan) à celui de « notre salaud. » Il aurait aussi avec plaisir donné des détails sur ces opportunistes véreux qui se font passer pour des «révolutionnaires» et des «démocrates.»
Parce que la notion même de droit international est au fond d’un drain aussi sale que celui où Kadhafi se terrait. Le dictateur Irakien Saddam avait au moins eu un procès bidon dans un tribunal d’opérette avant de rencontrer son bourreau. Oussama ben Laden a simplement été zigouillé, un genre d’assassinat, après une incursion en territoire pakistanais. Kadhafi a été l’objet d’une surenchère, liquidé dans un mélange de guerre aérienne et d’assassinat.
De puissants vautours encombrent les cieux. Mohammed El Senoussi, l’héritier du trône libyen (le roi Idriss avait été renversé en 1969) est disponible pour un rôle de premier plan, ayant déjà fait savoir qu’il « est un serviteur du peuple libyen qui décidera ce qu’il veut. » Traduction : Je veux le trône. Il est évidemment le candidat favori de la monarchie contre-révolutionnaire d’Arabie Saoudite.
Et que dire de ces bourricots des think-tanks de Washington qui marmonnent que c’était le “moment Ceaucescu” du printemps arabe? Si seulement le dictateur Roumain avait amélioré le niveau de vie du pays – en termes d’accès aux soins, à l’éducation, d’aides aux jeunes mariés, etc. au niveau d’une partie de ce que Kadhafi a accompli en Libye. Sans oublier le fait que Nicolae Ceaucescu n’avait pas été déposé par un bombardement « humanitaire » de l’OTAN. Il faut vraiment être en état de mort cérébrale pour gober la propagande sur le caractère «humanitaire» des plus de 40 000 bombes qui  ont dévasté l’infrastructure libyenne ramenée à l’âge de pierre (vous voulez du choc et effroi au ralenti?). Ce qui n’a jamais rien eu à voir avec la R2P – le bombardement implacable de Syrte en est la preuve.
Comme les quatre membres principaux du BRIC le savaient avant même de voter la résolution 1973 de l’ONU, il s’agissait de la domination de la Méditerranée pour en faire un lac OTAN, il s’agissait de la guerre de l’Africom contre la Chine et l’installation d’une base stratégique très importante, il s’agissait de l’obtention de contrats juteux par les Britanniques et les Français pour exploiter les ressources naturelles de la Libye à leur profit, il s’agissait de  l’arrangement du récit du printemps arabe par l’Occident  qui avait été pris au dépourvu en Tunisie et en Egypte.
Ecoutez les pleurnicheries des barbares
Bienvenue à la Libye nouvelle. Des milices intolérantes rendront infernale la vie es Libyennes. Des centaines de milliers de personnes originaires d’Afrique subsaharienne – celles qui n’ont pas pu fuir – seront implacablement persécutées. Les resources naturelles de la Libye seront pillées. Les  nombreux missiles sol-air dont se sont emparés des islamistes seront un argument extrêmement convaincant pour transformer la “guerre contre le terrorisme” en Afrique du Nord en guerre sans fin. Il y aura du sang – qui coulera dans une guerre civile parce que la Tripolitaine refusera d’être dirigée par la Cyrénaïque arriérée.
Quant aux dictateurs encore en poste ailleurs, prenez une assurance vie auprès de l’OTAN Inc. L’Egyptien Hosni Moubarak, le Tunisien Zine el-Abidine Ben Ali et le Yéménite Ali Abdallah Saleh ont été asses malins pour en souscrire une. Nous savons tous qu’il n’y aura pas de R2P pour libérer les Tibétains et les Ouïghours, ou le people qui vit dans le goulag monstrueux du Myanmar, ou le people d’Ouzbékistan, ou les Kurdes de Turquie, ou les Pachtounes qui vivent des deux côtés de la ligne Durand tracée par les impérialistes.
Nous savons tous aussi que le changement ne sera crédible aux yeux du monde entier que le jour où l’OTAN appliquera une zone d’exclusion aérienne au-dessus de l’Arabie Saoudite pour protéger les Chiites de la province orientale, et quand le Pentagone tapissera e bombes ces milliers de princes corrompus et moyenâgeux de la famille saoudite.
Ca n’arrivera pas. En attendant: c’est comme ça que l’Occident s’achève: avec un bang de l’OTAN et l’anarchie et les pleurnicheries  de quelques milliers de barbares. Dégoûté ? Mettez un masque de Guy Fawkes  et donnez de la voix, faites savoir que ne l’acceptez pas. [raise hell]

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