LE « PRINTEMPS ARABE » – L’AGRESSION CONTRE LA SYRIE

Le « Printemps arabe » est-il un mouvement de libération néo coloniale spontané, anarchique et apolitique, issu de la rue et visant à hisser cette civilisation séculaire au diapason de la modernité contemporaine (« démocratie » bourgeoise, laïcité hypocrite, « liberté » d’expression factice, désintégration familiale, narcissisme social, criminalité effrénée, décadence morale, chômage chronique, pauvreté endémique, guerre de rapine et génocide, etc.) ? Ou plutôt...
Robert Bibeau
Le « Printemps arabe » est-il un mouvement de libération néo-coloniale spontané, anarchique et apolitique, issu de la rue et visant à hisser cette civilisation séculaire au diapason de la modernité contemporaine (« démocratie » bourgeoise, laïcité hypocrite, « liberté » d’expression factice, désintégration familiale, narcissisme social, criminalité effrénée, décadence morale, chômage chronique, pauvreté endémique, guerre de rapine et génocide, etc.) ? Ou plutôt, n’est-ce qu’une vaste conspiration pilotée depuis Washington et exécutée dans chacune des capitales arabes concernées selon une projection machiavélique concoctée par les maîtres du monde ?

Tariq Ramadan, analyste politique reconnu, tout en se défendant d’être suspicieux, suggère que Washington sait tout et manipule tout en coulisse. L’auteur pense même, à l’instar du général américain David Petraeus, que les jeunes « Twitters » du Caire et de Tunis – qui auraient provoqué la débâcle arabe (!) – ont été formés en Serbie et exfiltrés vers les pays arabes, notamment par la firme américaine Google, pour y soulever les populations en vue d’un réalignement des politiques états-uniennes dans cette région du monde convoitée par l’impérialisme chinois (1).

Monsieur Ramadan a aussi découvert dans la foulée de la rédaction de son opuscule sur « L’Islam et les soulèvements arabes » (à paraître) que, pour comprendre un phénomène politique de cette envergure, il faut également considérer les facteurs économiques et historiques dans lesquels s’inscrivent ces événements. Conclusion juste et pertinente, dirons-nous. L’économie est l’assise du politique et le politique soutient le développement des rapports de production sociaux. Nous le savions depuis Marx, il est toujours rassurant de l’entendre confirmer (2).

Selon le docteur Ramadan, la force et la faiblesse du « Printemps arabe » résideraient dans son « apolitisme ». Aucune idéologie n’orienterait ses protagonistes qui seraient ainsi « libres » de leurs mouvements – toutefois dirigés en sous main par David Petraeus, de son propre aveu – ! Tout cela est fallacieux comme nous allons le démontrer.

L’idéologie qui oriente et dirige les divers mouvements du « Printemps arabe » (car chaque soulèvement national a sa propre historicité), c’est l’idéologie petite-bourgeoise (classe moyenne) réformiste – opportuniste – qui souhaite conserver le capitalisme mais sans les tares du capitalisme, une sorte de capitalisme humanitaire et débonnaire, à l’image des slogans que l’on retrouve ces temps-ci sur les affiches des « indignés » de Wall Street soutenus par Jim Flaherty (ministre conservateur des finances du Canada) et par le multimilliardaire George Soros (3). Un capitalisme réformé sans néo-colonies exploitées, sans dictateurs imposés, sans inégalités sociales, sans injustices, sans guerres de rapines, sans supers riches, sans ultras pauvres, sans chômage, sans spéculations boursières, sans crise économique et sans guerres de repartage des régions d’exploitation. Un capitalisme où la grande bourgeoisie milliardaire (1 % de la population, selon les indignés), ainsi que les petits-bourgeois – courroies de transmission du système social – conserveraient la propriété des moyens de production et leurs biens – mal acquis.

Cette « nouvelle » idéologie apolitique, altermondialiste, post-néolibéraliste, écologiste, verte, social-démocrate en fait, est aussi vieille que le monde ouvrier lui-même. Proudhon, Saint-Simon et Kautsky professaient cette religion pré-scientifique bien avant les internautes, les Twitters des réseaux sociaux – formés à Belgrade – ou encore les conférenciers indignés formés à Paris.

LE CAS SYRIEN – LES CHRÉTIENS SYRIENS SACRIFIÉS

Afin de mieux comprendre le « Printemps arabe » et de mieux connaître les orientations idéologiques et politiques promues par ses protagonistes « apolitiques », nous allons examiner le soulèvement syrien.

Les impérialistes français ciblent la communauté chrétienne d’Orient en ce moment, pourquoi ? Comparons la position politique impérialiste envers la communauté religieuse juive et envers la communauté chrétienne au Proche-Orient. Chaque fois que l’on fait allusion à la désintégration de l’État sioniste israélien, les diacres et les sous-diacres des lobbys israéliens implantés en sol occidental crient au génocide contre les millions de descendants d’Abraham, qui seraient retournés candidement, leur Exode millénaire terminé, sur la « terre de leurs ancêtres, laquelle leur aurait été donnée » par leur dieu Yahvé – en contradiction avec Jésus-Christ, Allah et tous les autres dieux imaginés par l’homme… Vous avez donc le choix, vous êtes pour ou contre Yahvé, selon eux.

Évidemment, le fait que ces centaines de milliers de descendants de la « race religieuse juive » soient pour la plupart athées ou agnostiques et aucunement de descendance araméenne, phénicienne, cananéenne, ou de l’un quelconque des peuples du Proche-Orient pré chrétien, ne fait pas sourciller le moins du monde les monastiques du retour « d’exode » des douze tribus d’Israël pourtant jamais déportées, selon l’historien Shlomo Sand (4).

Récemment, le petit empereur des Français réglait prestement le sort de quelques millions de chrétiens d’Orient, d’authentiques autochtones convertis depuis plusieurs siècles à la religion du Christ (un ex-juif en cavale). Voici le morceau d’ignominie proféré par Sarkozy, tel que nous le rapporte un observateur de la scène politique :

« Reçu à l’Élysée le 5 septembre 2011, S. B. Bechara Boutros Rai, Patriarche Maronite d’Antioche et de Tout l’Orient (c’est-à-dire chef de la principale Église de rite oriental rattachée à Rome) s’est entendu dire que la France et ses alliés interviendraient prochainement militairement en Syrie pour y porter au pouvoir les Frères musulmans. Les chrétiens d’Orient, qui n’auraient alors plus leur place au Levant, devraient se préparer à l’exode et pourraient trouver refuge en Europe. » (5)

C’est aussi machiavélique que cela. Des syriens nés de mères et de pères syriens sur ce sol qui leur appartient depuis des générations et des millénaires, devraient simplement se préparer à l’exode – c’est-à-dire au même sort que les réfugiés palestiniens – et abandonner leur terre généreuse et leurs frères arabes, et s’expatrier hors de leur continent pour la raison que les agressives puissances occidentales en déclin veulent renverser le gouvernement de Bachar el-Assad qui refuse de se plier à leurs ordonnances et poursuit sa politique indépendante d’alliance avec l’Iran et de rapprochement avec le groupe de Shanghai (impérialisme chinois).

Ceux-là (maronites, melkites, orthodoxes, arméniens, etc.) peuvent bien être déracinés pour toujours de leur terre millénaire mais pas les ashkénazes occidentaux importés récemment (moins de soixante ans) d’Europe, ni les pseudos religieux juifs – athées –, transplantés de Russie et des États-Unis, car, nous dit-on, on ne déracine pas un « peuple » de sa terre, encore faudrait-il que ce soit « sa » terre (6) !

LE DÉROULEMENT DU « SOULÈVEMENT » SYRIEN

Malheureusement, le petit Gengis Khan de notre temps a pris les devants inconsidérément et l’agression impérialiste occidentale (États-Unis, France, Royaume-Uni et Israël) contre la petite Syrie « démunie » (croient-ils) a dû être retardée car l’écrasement de la petite Libye esseulée ne s’est pas déroulé comme prévu par les services secrets français et américains. On peut penser, d’une certaine façon, que le peuple libyen par sa résistance a protégé, pour un temps du moins, le peuple syrien de la mainmise occidentale. Maintenant que la Libye semble rapatriée dans le giron des puissances impérialistes atlantiques (OTAN) et sortie de la besace impérialiste chinoise… – « La guerre (libyenne) a désespéré nos partenaires. Les Chinois ont ici 20 milliards de dollars de contrats, les Turcs 12 milliards. Viennent ensuite les Italiens, les Russes, puis les Français. Ce n’était pas leur intérêt de laisser faire cette agression, encore moins d’y participer. Probablement certains ont–ils reçu des compensations en dessous de table (…) » – Depuis l’exécution extra judiciaire du chef d’État Mouammar Kadhafi, l’OTAN peut maintenant porter toute son agression sur sa proie syrienne, un autre pays qu’elle veut ravir à l’alliance de Shanghai concurrente (7).

Cependant l’agression occidentale contre la Syrie marque le pas et ne parvient pas à atteindre ses objectifs stratégiques, ni même à provoquer la guerre civile généralisée promise par les potentats occidentaux. Cela est dû en partie aux minorités religieuses arabes syriennes qui n’ont pas suivi le mot d’ordre des mercenaires et des agents des services secrets étrangers (notamment du Mossad) infiltrés à partir de la frontière du Golan Syrien – occupé – tout proche (8).

Même que ces minorités religieuses, qui se considèrent comme des syriens de langue et de culture arabe et de confession chrétienne (sentiment d’appartenance nationale forgé par les rapports de production capitalistes bourgeois), s’érigent en rempart face au néo-colonialisme occidental. Les syriens arabes chrétiens ont bien compris que les puissances impérialistes en déclin les sacrifieront sans pitié sur l’hôtel de leur cupidité et de leur guerre inter impérialiste (OTAN contre Alliance de Shanghai).

Mère Agnès Mariam de la Croix ne disait pas autrement devant Thierry Meyssan :

« La survie des chrétiens en Orient ne pourra plus être débitrice d’un quelconque protectorat ou Sublime Porte ; notre avenir dépend du mariage convaincu des chrétiens avec leurs frères qui cohabitent avec eux en Orient, en qui ils reconnaissent des frères de sang par delà les divergences confessionnelles qui sont moins grandes qu’elles ne paraissent. » (9).

LES OBJECTIFS DE L’AGRESSION IMPÉRIALISTE EN SYRIE

En Syrie l’objectif des puissances impérialistes en déclin (OTAN) n’est pas de mettre la main ni de contrôler une production quelconque de pétrole ou de gaz naturel (comme en Libye). La Syrie, territoire découpé dans l’empire Ottoman déclinant (1916, accords secrets Sykes-Picot), par les deux plus grandes puissances impérialistes de l’époque – France et Grande-Bretagne – est située sur un vaste plateau calcaire et métamorphique (Hamada) peu propice aux hydrocarbures (10).

En Syrie, l’objectif de l’agression impérialiste occidentale – stoppée momentanément au Conseil de sécurité par le veto russe et chinois – est de briser le maillon faible de l’Alliance de Shanghai dans cette région ; d’affaiblir les forces de la résistance au Liban en leur coupant leur base arrière et leur voie de ravitaillement (en prévision d’une prochaine agression contre le Liban) ; de chasser les organisations de la résistance palestinienne qui trouvent refuge à Damas ; d’affaiblir l’Iran, allié de la Syrie et de la Chine ; de faire pression sur la Turquie (via la communauté Kurde syrienne) pour qu’elle cesse le déploiement de sa politique étrangère indépendante en direction de l’Orient ainsi que son rapprochement avec la Chine. Voilà les raisons pour lesquelles les chrétiens d’Orient devraient périr sur le mausolée de la cupidité de leurs ex-suzerains.

Afin de parvenir à ces objectifs et renverser le gouvernement Baas légalement au pouvoir en Syrie, les puissances occidentales, trop faibles pour mener seules l’offensive, comme elles l’ont démontré en Libye, ont imaginé soutenir les Frères musulmans – des intégristes islamistes réactionnaires que le maelström médiatique occidental a tant décriés un certain temps – et qui deviennent soudainement la solution de rechange « démocratique » au gouvernement laïque légalement élu en Syrie.

Quelle hypocrisie que de se camoufler derrière l’obscurantisme religieux pour proclamer et imposer les valeurs impérialistes occidentales à des peuples qui n’en veulent pas. Comme le clame un syrien de la rue, « Qui a décidé que les valeurs décadentes de l’Occident et sa farce « démocratique » étaient des valeurs et des dogmes universels, valables pour toute l’humanité ? ». Les colonialistes des siècles passés ne disaient pas différemment pour justifier le massacre des noirs africains, des indiens d’Amérique, celui des chinois pendant la guerre de l’Opium.

« Malheureusement l’Occident a balayé le concept d’appartenance à la terre, à la famille, à l’ethnie, et somme toute celui d’identité ontologique. Son modèle est basé, non pas sur la reconnaissance de l’individu, mais sur des intérêts périphériques (…) des multinationales… ». Mère Agnès Mariam de la Croix (11).

Voilà les propos d’une soeur qui vit dans une société où le tsunami de l’industrialisation capitaliste n’a pas encore tout ravagé. Malheureusement, cela viendra et les rapports de production industriels capitalistes saccageront tous ces concepts et toutes ces valeurs d’altérité qui lui tiennent tant à cœur.

Ainsi va la vie du développement impérialiste qui balaie toute autre modèle de développement économique et social sur son passage, ne tolérant aucun concurrent. Les enragés de Tunis, du Caire, de Tripoli, d’Alger, de Damas et de Sanaa devront confronter ce système d’exploitation le jour où ils souhaiteront le renverser afin d’éradiquer totalement ses méfaits et ses calamités.

L’impérialisme, qu’il soit de source américaine ou d’origine chinoise, c’est l’anarchie de la production développée non pas pour le bien-être des peuples et des travailleurs mais essentiellement pour l’accumulation des profits dans les mains d’immenses oligopoles multi milliardaires; et la Syrie devra y passer, elle aussi, mais la Syrie choisira elle-même la voie de son intégration au camp impérialiste. Il semble que la bourgeoisie syrienne ait choisi l’Alliance de Shanghai en ascension plutôt que l’OTAN déclinant et elle paie présentement le prix de ses choix. C’est son droit.

Le droit et le devoir des travailleurs syriens consistent à renverser ce régime et cette oligarchie Baasiste, non pas pour les remplacer par les Frères musulmans obscurantistes à la solde de l’Occident, mais pour s’emparer de tout le pouvoir d’État à leurs propres fins (c’est la conscience politique de classe pour soi, écrivait Marx).

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(2) Tariq Ramadan 7.09.2011 Montréal. Conférence de la CAM. Sur Youtube.
(4) Shlomo Sand. Sur Dailymotion. http.com/video/x7okoe_peuple-juif-invent-shlomo-sand_news
(6) http://www.slate.fr/story/32509/la-mosaique-des-chretiens-dorient
(7) http://www.voltairenet.org/La-guerre-contre-la-Libye-est-une
(8) http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2011/09/01/syrie-nouvelles-perquisitions-a-hama-demission-du-procureur_1566048_3218.html
(9) http://www.voltairenet.org/Les-chretiens-d-Orient-s-erigent
(10) http://fr.wikipedia.org/wiki/Accords_Sykes-Picot et http://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9ographie_de_la_Syrie
(11) http://www.voltairenet.org/Les-chretiens-d-Orient-s-erigent

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