Nucléaire : Le jeu trouble de l’Allemagne avec Israël
Rappelons immédiatement l'information diffusée par
Assawra,
car elle est très importante. Chacun jugera.
Nucléaire : le jeu
trouble de l’Allemagne avec Israël
Peut-on demander
à l’Iran d’abandonner son programme nucléaire et en même temps vendre à Israël
des sous-marins qui seront dotés d’armes atomiques ? C’est l’épineuse question
soulevée ce lundi par une enquête du magazine allemand Der Spiegel.
L’hebdomadaire affirme en effet que
l’Allemagne, membre du groupe des grandes puissances (cinq membres permanents du
Conseil de sécurité et l’Allemagne) chargées de négocier avec Téhéran l’arrêt de
son programme nucléaire, a vendu en 2005 à l’État hébreu six sous-marins de type
Dolphin, dont trois ont déjà été livrés. Or, d’après Der Spiegel, Israël aurait
déjà commencé à équiper ces appareils avec des missiles de croisière à têtes
nucléaires.
"Je confirme que nous avons des sous-marins
allemands, ce n’est pas un secret, a déclaré à l’AFP Yigal Palmor, porte-parole
du ministère israélien des Affaires étrangères. Pour le reste, je ne suis pas
tenu de me prononcer sur leurs capacités." Interrogé par l’hebdomadaire, le
ministre israélien de la Défense, Ehud Barak, s’est contenté de déclarer que les
Allemands devaient être "fiers" d’avoir assuré la sécurité de l’État d’Israël
"pendant des années". La nouvelle a néanmoins provoqué des remous au sein de
l’opposition sociale-démocrate (SPD), qui a sommé le gouvernement de
s’expliquer.
"Jusqu’à présent, ces livraisons avaient été,
entre autres, justifiées par le fait que ces sous-marins faisaient partie d’un
arsenal de dissuasion conventionnel", a fait remarquer Rolf Mützenich,
porte-parole du groupe parlementaire du SPD, sur les questions de politique
extérieure. En réponse, Berlin a simplement nié que ces sous-marins puissent
faire partie de l’arsenal nucléaire israélien. "La livraison s’est faite sans
armement", a expliqué le porte-parole d’Angela Merkel, Steffen Seibert. "Le
gouvernement fédéral ne participe pas aux spéculations sur son armement
ultérieur", a-t-il ajouté à Der Spiegel.
Pourtant, l’hebdomadaire affirme que
l’Allemagne connaîtrait "depuis des décennies" le sort réservé à ces
sous-marins. D’après le magazine, d’anciens hauts responsables du ministère de
la Défense allemand - dont l’ancien secrétaire d’État Lothar Rühl - ont toujours
pensé qu’Israël équiperait de munitions atomiques ses submersibles. Interrogé
par Le Point.fr, François Géré, directeur de l’Institut français d’analyse
stratégique (Ifas), indique que l’unique armement atomique dont Israël pourrait
équiper les sous-marins serait un missile de croisière léger avec une tête
nucléaire d’une centaine de kilogrammes.
"Lorsque l’on dote un sous-marin d’un missile
balistique de grande taille, explique-t-il, il est nécessaire de disposer d’une
capacité de stabilisation au démarrage, sous peine de voir le bâtiment tourner
sur lui-même." Mais le spécialiste note toutefois : "La robustesse et la bonne
stabilité des sous-marins diesel allemands permettent de supporter le lancement
d’un missile d’une tonne, dégageant cinq kilotonnes d’énergie."
Une arme susceptible de provoquer autant de
dégâts que la moitié de la bombe américaine qui a frappé Hiroshima en août 1945.
D’après Der Spiegel, les missiles pourront être lancés à l’aide d’un système
d’éjection hydraulique.
S’il n’a jamais reconnu être détenteur de
l’arsenal atomique, Israël posséderait, d’après les spécialistes, entre 100 et
200 ogives nucléaires, sans pour autant avoir signé le traité de
non-prolifération (TNP). Cette politique, qualifiée officiellement d’"ambiguïté
délibérée", repose sur une seule phrase, répétée à souhait par les dirigeants
israéliens : Israël ne sera pas le "premier pays à introduire l’armement
nucléaire au Moyen-Orient". L’État hébreu a conclu en 1969 une "entente" avec
les États-Unis aux termes de laquelle les dirigeants israéliens s’abstiennent de
toute déclaration publique sur le potentiel nucléaire de leur pays et ne
procèdent à aucun essai. En échange, Washington renonce à exercer des pressions
liées à ce dossier.
Quant à l’Allemagne, elle a refondé en 1955
son armée nationale (Bundeswehr). Mais celle-ci demeure entièrement intégrée à
l’Otan. Berlin a néanmoins considérablement réduit ses forces depuis 2011 et le
passage d’une armée de conscrits à des militaires professionnels. "La part du
PIB consacrée à la défense en Allemagne (1,5 %) est aujourd’hui
significativement inférieure à celle en France et en Grande-Bretagne (2 %)",
note François Géré. Le pays continue néanmoins à vendre du matériel militaire.
D’après Der Spiegel, trois nouveaux sous-marins pourraient être vendus à
Israël.
Il faut dire que la chancelière allemande a
consenti à des concessions particulièrement importantes sur ce contrat. D’après
l’hebdomadaire, Berlin a non seulement financé le tiers du coût du sous-marin
(135 millions d’euros), mais il a autorisé l’État hébreu à ne payer qu’en 2015.
En contrepartie, Angela Merkel a demandé à Israël de permettre la construction
d’une usine de traitement des eaux usées dans la bande de Gaza, et surtout de
suspendre la colonisation de Cisjordanie, ce que Benyamin Netanyahou a pour
l’heure exclu.
Pour Hans Stark, chercheur à l’Institut
français des relations internationales, ce contrat relève de la logique de
dissuasion afin qu’Israël puisse assurer seul sa propre défense. "La sécurité
d’Israël relève pour l’État allemand de la raison d’État", explique le chercheur
au Point. "Pour des raisons historiques, l’Allemagne est plus proche d’Israël
que ne l’est la France. Avec le vécu qui est le sien, elle pourrait facilement
être traitée d’antisémitisme si elle critiquait le gouvernement
israélien."
C’est ce qui est arrivé en avril dernier au
Prix Nobel allemand de littérature, Günter Grass, après qu’il a vivement dénoncé
l’accord militaire conclu entre les deux pays. En publiant le poème en prose
Ce qui doit être dit, l’écrivain a provoqué une vaste polémique en accusant
Israël et son arme atomique de "menacer la paix mondiale".
(04 juin 2012 - Avec les agences de
presse)

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