AIPAC: quelles « lignes rouges » ?

Pour leurs conférences annuelles, les républicains et démocrates d'ailleurs se contentent généralement des "grand ballrooms" des hôtels de la capitale. L'AIPAC, elle, loue le centre des conventions.
AIPAC ou American Israel Public Affairs Committee. Le lobby pro-israélien aux États-Unis.


Cette année, c'est la plus grande réunion dans l'histoire de l'organisation: plus de 13.000 participants. Ils sont venus de tout le pays. Pendant trois jours ils vont entendre des dizaines d'orateurs (les chefs de parti, les parlementaires, les experts des think tanks mais aussi beaucoup d'israéliens, anciens responsables militaires, businessmen qui essaient de vendre leurs innovations aux États-Unis etc..). Le dernier jour est consacré à une journée de lobbying au Congrès. Les activistes vont sensibiliser leurs congressmen sur "la nécessité de défendre Israël" encore mieux qu'ils ne le font.

Le dossier de presse ne fait pas mystère de la priorité de la conférence: l'Iran, c'est la même depuis plus de trois ans mais pendant les premières années du mandat Obama, le président démocrate avait repoussé les tentatives de Benjamin Netanyahou de faire passer le dossier iranien avant le processus de paix avec les Palestiniens. Rien de tel cette année, malgré quelques tentatives de certains intellectuels comme Robert Malley et Aaron David Miller dans le Washington Post pour rappeler l'existence des Palestiniens.

Le dossier de presse le dit d'entrée, et en majuscules: "Iranian nuclear weapons capability: UNACCEPTABLE".
Le mot clef ici est "capability". Le clan pro-israélien essaie de faire admettre à Obama de procéder à une modification de ses "lignes rouges". Il demande au président de s'engager à empêcher l'Iran d'avoir la "capacité" de fabriquer la bombe. Sa position actuelle est de l'empêcher de se doter de la bombe elle-même.
"L'Iran ne doit pas devenir "capable" de faire ce genre de choses", a dit Liz Cheney, la fille de l'ancien vice-président, qui figure dans le premier panel, et promet que dans un an, un président aura été élu qui "restaurera" les relations entre Washington et Jérusalem. "Aucun président dans l'histoire de ce pays a fait autant pour délégitimer l'état d'Israel que Barack Obama. N'oubliez pas cela quand vous allez l'entendre" ajoute Liz Cheney sous les applaudissements.
Immédiatement, la démocrate Jane Harman lui a répondu. "C'est une grave erreur de faire du soutien à Israel une balle de football politique", a-t-elle rétorqué. Les applaudissements ont été encore plus nourris. L'AIPAC est clairement divisée.

Devant le Convention Center, quelques groupes sont venus manifester dès l'ouverture. Il y a "Occupy AIPAC", Code Pink et d'autres. On attend le discours d'Obama. Dans son interview à l'Atlantic, il a très clairement dit que le "containment n'est pas une option", comme le dit Jane Harman. Ted Auerbach, ancien prof de lycée, membre de Brooklyn for Peace, est venu rappeler que l'AIPAC ne parle pas pour tous les Juifs. Quant à Obama,"Il est à la limite de l'hypocrisie, dit-il. Il essaie de gagner sur tous les tableaux".

Côté Code Pink, les militants ont organisé une petite mise en scène sur le trottoir que doivent franchir les participants pour accéder au Palais des congrès."Welcome Juifs et Chrétiens, dit le pseudo-soldat "israélien" armé de sa kalashnikov, Musulmans, Palestiniens, montrez vos papiers au check point. Bienvenue dans l'Israël de la ségrégation"...
De temps en temps, le militant glisse une "blague" supplémentaire."Iraniens, retournez en Virginie"...L'état de Virginie compte nombre d'exilés iraniens, anciens monarchistes principalement...

Barack Obama a consacré l'essentiel de son discours à l'AIPAC à se défendre de toute froideur à l'égard d'Israël et à essayer de créer la confiance sur ses intentions."Si vous voulez savoir où est mon coeur regardez mes actes"
Son discours est allé à contre-courant de l'escalade de la tension. Les applaudissements n'ont pas été le grand déferlement enthousiaste que se ménagent les orateurs plus va-t-en guerre.... D'autant qu'il n'a même pas prononcé le terme du moment: "capacité nucléaire". Sa ligne rouge reste "l'arme nucléaire" iranienne. Non pas la capacité de l'Iran à fabriquer sa bombe.

Comme le disait un éditorialiste, Obama est un "contrarien": un grand adepte du contre-pied. Il n'est pas monté à l'assaut avec le ton menaçant que certains espéraient. Il a développé sa politique sur un ton très rationnel."Je comprends l'obligation historique qui pèse sur les épaules de Netanyahou et Ehud Barak. Mais un Iran nucléaire est aussi contraire aux intérêts nationaux des États-Unis".Il a rappelé que quand il est arrivé au pouvoir l'Iran avait acquis des milliers de centrifugeuses.
"L'Iran était populaire dans le monde. Leur leadership était dynamique et la communauté internationale divisée".Aujourd'hui, dit-il c'est l'inverse. Les Iraniens sont divisés. Ils ont rejeté sa politique "d'engagement", ce qui lui a permis de rassembler la Communauté internationale pour imposer des sanctions plus dures. Certains avaient prévu que Russie et la Chine ne se joindraient jamais à l'effort."Ils l'ont fait". D'autres ont dit que les sanctions ne seraient pas efficaces. Que la coalition ne tiendrait pas sur les mesures d'isolement de la banque centrale, sur le boycottage des importations de pétrole. Tout cela s'est révélé erroné. "Mais mettre en oeuvre notre politique ne suffit pas. IL faut parvenir à nos objectifs". Le président a plaidé qu'il reste du temps. Les services américains estiment qu'il y a encore un an avant que les Iraniens soient dotés de la bombe.
"Il reste du temps pour la diplomatie. L'Iran n'a pas encore d'arme nucléaire. Nous avons la possibilité d'utiliser le temps qui existe". La seule manière de régler le problème sur la durée, c'est de les amener à renoncer d'eux-mêmes, a-t-il souligné.
Obama a dit clairement qu'il n'avait "pas de politique d'endiguement" et qu'il ne fallait pas douter de sa détermination. "Mais je préfère profondément la paix à la guerre"
Il a été très applaudi quand il a rappelé qu'Israël a "le droit souverain de prendre ses décisions" sur ce qui concerne sa sécurité.
Nettement moins applaudi quand il a essayé de faire baisser la température. "Il y a trop de bruits de guerre dans les informations. Cela profite aux Iraniens en faisant monter le prix du pétrole". C'est le moment, a-t-il dit, de suivre le conseil de Teddy Roosevelt "Speaks soflty, carry a big stick"
Reste à savoir s'il peut convaincre qu'il a un "gros bâton" les publics qui ne croient que ceux qui parlent fort...
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