Mort et tentative de résurrection du veau d’or américain: le DTS

AUX SOURCES DU CHAOS MONDIAL ACTUEL

Mort et tentative de résurrection du veau d’or américain: le DTS

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Aline de Dieguez

» Il y a deux histoires: l’histoire officielle, menteuse, et l’histoire secrète, où sont les véritables causes des évènements. »
Honoré de Balzac

  1 – Comment le dollar est devenu une puissante arme de domination politique  après 1971
  2 – Une pyramide de Ponzi mondiale
  3 – Eurêka, il existe une parade: les DTS (Droits de tirage spéciaux)
  4 – Le naufrage du FMI

1– Comment le dollar est devenu une puissante arme de domination politique après 1971

Pratiquement tout le monde admet que le système monétaire international basé sur le dollar américain vit ses derniers jours. Surfant sur le prestige de la victoire militaire en Europe, les accords de Bretton Woods signés en juillet 1944 entre quarante quatre pays – et officiellement destinés à remettre sur pied la machinerie du système monétaire international – organisaient, en réalité, la naissance de l’empire américain et celle d’un nouveau culte du veau d’or, en faisant du dollar la seule monnaie mondiale de référence.

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Bretton Wood

De plus, conformément à la logique de tous les empires et à leur volonté de domination mondiale, ces « accords » créaient dans la foulée les puissants appendices de la suprématie financière de l’empire sur le monde – le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD), plus connue sous le nom de Banque mondiale.

Cependant, à la faveur, si je puis dire, de la défaite militaire de son armée au Vietnam et du poids financier insupportable que cette guerre imposait à un pays qui n’était plus en mesure de garantir la convertibilité du dollar en or, le Président des USA de l’époque, Richard Nixon, annonça, le 15 août 1971, la « suspension provisoire » de cette obligation de convertibilité sur laquelle reposaient la crédibilité et la sincérité des accords de 1944.

Pour faire bonne figure, Richard Nixon jugea bon de préciser que cette décision avait été prise « en pleine collaboration avec le Fond Monétaire International (FMI) et ceux qui font du commerce avec nous« , alors que cette décision avait été prise dans le plus grand secret. Et il ajouta ces paroles ailées

« Nous allons faire pression pour qu’interviennent les réformes nécessaires, en vue de la mise en place urgente d’un nouveau système monétaire international.«

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Quarante cinq ans plus tard, non seulement rien n’a été commencé, car c’est sur eux-mêmes que les Etats-Unis auraient dû faire « pression« , puisqu’ils sont les seuls obstacles aux réformes du système monétaire. Or, ils ont, bien au contraire, utilisé tous les subtertuges et tous les moyens dilatoires en leur pouvoir afin d’empêcher que la réforme ait lieu.

En réalité, leur comportement est compréhensible puisqu’ils ont grassement profité de la forfaiture du coup d’Etat monétaire de Richard Nixon, qui leur assurait une domination financière, commerciale et même psychologique sur le reste du monde et ils n’ont jamais eu la moindre intention d’apporter quelque changement que ce soit à un système aussi profitable à leurs intérêts.

En effet, à partir du 15 août 1971, tous les autres Etats de la planète se sont trouvés suspendus à leurs décisions nationales. Pendant que la monnaie de l’empire flottait au gré des choix politiques et économiques de leurs dirigeants, ils pouvaient se permettre d’accroître leur dette en toute impunité. L’augmentation exponentielle de leur endettement et la dévalorisation de leur monnaie par rapport à l’or se trouvaient en quelque sorte neutralisées par les dommages collatéraux et l’incertitude permanente que les yoyos du dollar créaient chez leurs concurrents.

« Le dollar est peut-être notre devise, mais c’est votre problème », assénait cyniquement en 1973 le secrétaire du trésor américain, John Connally, aux Européens médusés. On ne pouvait mieux résumer la situation.

Ce nouveau mécanisme a contraint le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale (BM) à se transformer en gigantesques usines à gaz monétaires, afin de donner l’illusion d’un minimum d’honnêteté dans les transactions entre les Etats et entre les particuliers.

Il a fait le bonheur des banquiers et autres spécialistes des jeux boursiers, lesquels ont pu se livrer avec la délectation dont on mesure les résultats dans leurs bilans à l’heure actuelle, à des paris et à des jeux sur les parités des monnaies qui relèvent plutôt du casino que de l’économie. Hedge funds, Private equities, Subprimes, Monolines, Assets under management (AUM), Credit default swaps (CDS), Collaterised debt obligation (CDO), effets de levier se sont mis à danser une farandole endiablée dans nos cervelles pétrifiées.

On remarquera la complicité demeurée sans failles du FMI avec le pouvoir politique américain qu,i avait présidé à sa création en 1944. En effet, dans les statuts du Fonds il est expressément interdit aux pays qui en sont membres, de lier leur devise à l’or, donc de créer une monnaie fixe et stable. La seule référence admise était le dollar.

Lorsqu’en 1992, la Suisse a voulu devenir membre du FMI, elle a dû modifier une Constitution qui prévoyait que la devise nationale devait ête couverte à 40% par l’or.

Or, quand le dollar s’est mis à flotter, le flottement de toutes les autres monnaies est devenu la norme universelle. Ce fut le point de départ de la financiarisation d’une économie qui changeait de nature et qui s’en envolée dans la moyenne région de l’air qu’évoquait Descartes. La rupture entre l’économie réelle, celle qui fait la richesse et la prospérité des nations, et une économie virtuelle de parieurs et de joueurs fut consommée.

L’extrême complication du système a permis toutes les fraudes, tous les abus et a donné lieu à des valses de milliards de dollars ou d’euros qui ne correspondaient à aucun enrichissement réel des nations. Certes, en tant que Français nous avons été indignés par le racket de près de neuf milliards que les Etats-Unis ont extorqués à la BNP. Mais quand la BNP a payé rubis sur l’ongle, nous nous sommes interrogés, stupéfaits: où, quand et par quel mécanisme cette banque a-t-elle gagné autant d’argent? Il a été dit qu’il s’agissait de « fonds propres« . Comment les a-t-elle acquis? Avec les frais qu’elle a l’audace de ponctionner sur nos petits dépôts?

L’affaire Kerviel et les cinq milliards que la Société Générale a perdus en une seule nuit d’un pari malheureux de la part de l’un de ses employés a permis de comprendre que les banques sont devenues de gigantesques sociétés de paris en ligne avec des effets de levier qui permettent soit d’empocher le jackpot, soit de perdre des milliards d’euros en une seule opération.

Pendant que les milliards gagnés ou perdus au jeu de la bourse s’accumulent dans les bilans des banques, les peuples deviennent de plus en plus pauvres.

En 2011, le Président Vladimir Poutine pouvait déclarer que « les Etats-Unis vivent en parasites de l’économie mondiale avec leur monopole du dollar. » Et il ajoutait: « Ils vivent au-dessus de leurs moyens et transfèrent une partie du poids de leurs problèmes sur l’économie mondiale. »

La monnaie est un moyen de domination et une arme politique très efficace. De nos jours, grâce à la mise en place de leur système d’espionnage planétaire, les Etats-Unis contrôlent tous les échanges commerciaux. Ils se permettent de « sanctionner » telle ou telle entreprise ou nation qui s’avise de ne pas respecter leurs oukazes politico-commerciaux et ils étendent leur législation intérieure à la planète entière. Les neuf milliards de dollars escroqués à la BNP évoqués ci-dessus en sont un exemple spectaculaire. D’autres sociétés ont subi la même « punition » qui enrichit à peu de frais le budget américain. De plus, personne n’oublie les « sanctions » édictées contre l’Iran ou la Russie, auxquelles la troupe acéphale des vassaux européens a emboîté le pas sur ordre exprès du maître d’outre-Atlantique et dont elle vient de prolonger de six mois la durée, malgré les ravages que les contre-sanctions russes occasionnent à leurs économies et alors qu’elles sont indolores au donneur d’ordre d’outre-Atlantique.

Aujourd’hui encore, malgré une levée officielle des « sanctions » contre l’Iran, les Européens n’investissent pas dans le marché iranien, pourtant prometteur, par crainte de représailles financières américaines dont les menaces ont été communiquées discrètement aux investisseurs du continent.

Pendant ce temps, les industriels d’outre-Atlantique font leurs emplettes au pays des Mollahs. Airbus n’ose pas finaliser la vente de 100 de ses appareils commandés par l’Iran, alors que, dans le même temps, Boeing se vante d’avoir définitivement conclu un marché de la centaine de ses appareils avec Téhéran.

Le veau d’or américain respire encore.

2– Une pyramide de Ponzi mondiale

Augmentée d’année en année, la dette américaine se monte aujourd’hui à 19 000 milliards de dollars … qui ne seront jamais remboursés, d’autant plus que, de grand pays industriel à la fin de la deuxième guerre mondiale, l’Amérique a si bien délocalisé ses entreprises afin de profiter de la main-d’oeuvre bon marché des pays du tiers monde, que les salaires industriels ne représentent plus que 10% de son PIB.

Pendant ce temps, les Etats-Unis, devenus un empire militaire prédateur, consacrent plus de la moitié de leur budget à nourrir le Pentagone.

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USA: Répartition des postes budgétaires
https://www.nationalpriorities.org/budget-basics/federal-budget-101/spending/

Facebook, Google, les pizzerias et la vente de matériel militaire ne sauveront pas son économie.

Quant à la dette mondiale, elle se monte à 230 000 milliards de dollars, auxquels il convient d’ajouter 1 500 000 milliards de produits dérivés. Les gouvernements et les cupides banquiers internationaux ne contrôlent plus le système monétaire et continuent d’appliquer la méthode qui a conduit à la catastrophe, à savoir l’augmentation artificielle de la masse monétaire par la dette. La Banque centrale européenne (BCE), sous la houlette de Mario Draghi, a beau continuer d’imprimer 60 milliards d’euros par mois, cette masse d’argent a fondu on ne sait ni où, ni comment et n’a provoqué ni inflation, ni démarrage de l’économie européenne, malgré une injection de 3 000 milliards d’euros, soit 45% de son bilan en quinze mois,.

Pendant ce temps, la banque centrale allemande (Bundesbank), de plus en plus inquiète de l’augmentation frénétique de la masse monétaire destinée, en principe à stimuler l’économie, a menacé de poursuivre la BCE en justice si elle continuait sa politique. La crainte d’un désastre financier semblable à celui de la République de Weimar hante les esprits outre-Rhin.

La Grèce, l’Espagne, le Portugal, l’Italie sont déjà en faillite et la France n’en est pas très loin. Le Japon avec un ratio dette/PIB de 250% et la Chine avec une dette évaluée à 30 000 milliards de dollars n’échappent pas à la folie de l’endettement à outrance, alors que le ratio dette/PIB de la Russie est de 18,4%. Le Président des Etats-Unis, un des pays les plus endettés de la planète, se permettait d’ironiser sur l’économie russe, la jugeant avec mépris « in tatters » (en haillons). Quand l’hôpital se moque de la charité!

Le monde barbote dans le plus gigantesque système de Ponzi de l’histoire. Ce mécanisme conduit inévitablement à la création de bulles, dont la vocation, comme chacun sait, est d’éclater d’une manière imprévisible.

Le premier Etat qui vendra massivement les bons du trésor imprimés par le veau d’or américain – donc ses reconnaissances de dette – sera peut-être remboursé, mais il déclenchera un cataclysme financier dont on a peine à se représenter les ravages économiques et sociaux.

3 – Eurêka, il existe une parade: les DTS (Droits de tirage spéciaux)

Il se dit, dans les milieux « informés« , qu’existent depuis des mois des négociations secrètes dirigées par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque des Règlements Internationaux (BRI) sise à Bâle afin de préparer un nouveau système monétaire international à partir de l’actuel DTS. Je reviendrai ultérieurement sur le rôle et le fonctionnement de la BRI.

DTS, quesaco? Des Droits de tirage spéciaux. Mais les trois mots font question. Quels droits? A quelles conditions s’opèrent les tirages? Qui peut « tirer« ?

S’il existe des tirages « spéciaux« , quid de ceux qui seraient normaux? Si le DTS a vocation à devenir une nouvelle monnaie, comme certains l’imaginent, il est important de savoir de quoi on parle. Comme le disait l’éminence grise du Président Woodrow Wilson, Edward Mandell HOUSE: La chose la plus difficile au monde est de suivre à la trace n’importe quelle idée jusqu’à sa source « . (voir Du Système de la Réserve fédérale au camp de concentration de Gaza, Le rôle d’une éminence grise: le Colonel House )

Or, la source des DTS se trouve au FMI. Je vais donc essayer de présenter le plus siplement possible la manière dont il a été procédé à l’accouchement de ces fameux DTS, de leur rôle actuel et de celui, imprévisible, que l’avenir est censé leur assurer.

Quelques mots sur le fonctionnement du FMI, inventeur du DTS :

Créé dans la foulée des accords de Bretton Wood de 1944, qui établissait la domination monétaire américaine sur le monde, le FMI est une sorte de club auquel pouvent adhérer les Etats qui répondent aux statuts de l’organisation, moyennant paiement d’une cotisation. Cette cotisation est calculée selon des critères complexes, qui tiennent compte de la richesse présente et potentielle de l’Etat candidat, de la qualité de sa gestion, de ses ressources naturelles, de l’importance de sa population, de son désir d’adhérer à l’idéologie libérale, de son respect de « droits de l’homme », etc.

En échange, comme dans tous les clubs huppés, les membres jouissent de certains avantages. En l’espèce, ce sont des possibilités de refinancement, évaluées en fonction du montant de la cotisation que les membres se sont engagés à verser à cet organisme. Ils bénéficient alors de « droits de tirage normaux« , calculés à cinq fois le quart du montant de leur cotisation et appelés quotas.

Les cent quatre-vingt neuf Etats membres du FMI peuvent s’énorgueillir de participer au projet grandiose, exposé sur le site du FMI, et qui consiste à promouvoir la coopération monétaire internationale, à faciliter l’expansion et la croissance équilibrées du commerce mondial, à promouvoir la stabilité des échanges, à aider à établir un système multilatéral de paiements, à mettre (généreusement) leurs ressources (mais moyennant des garanties adéquates souvent léonines) à la disposition (momentanée) des pays confrontés à des difficultés de trésorerie – donc à des pays pauvres dont les cotisations sont insuffisantes pour jouir de quotas suffisants afin de couvrir leurs besoin en matière de refinancement.

C’est précisément aux Etats dont les quotas sont trop faibles, en raison de la faiblesse de leurs cotisations, que sont réservés les fameux « Droits de tirage spéciaux » (DTS) . En réalité, ils ne sont rien d’autre qu’une forme de dette à l’égard du FMI ou d’un autre Etat membre, mais toujours accompagnée de l’obligations politique de libéraliser leur économie conformément aux lois du marché. Augmentée d’un intérêt composé, la dette initiale finit, au fil du temps, par grossir d’une manière telle qu’elle affaiblit sur la durée les Etats prétendument « bénéficiaires » plutôt qu’elle ne les sauve. Lorsque tel ou tel Etat se vante d’avoir « annulé la dette » d’un pays pauvre, il s’agit, en général, de l’annulation totale ou partielle des intérêts, le principal ayant été remboursé depuis belle lurette.

Les droits de tirage spéciaux (DTS) :

La création des DTS par le FMI date de 1969.

C’était le temps heureux de la stabilité du système monétaire avec l’or comme monnaie internationale de référence et du dollar convertible en or. Comme l’or est en grande partie phagocyté par la bijouterie et certaines industries de pointe, la quantité d’or disponible afin d’assurer la stabilité d’échanges commerciaux en forte expansion était devenue insuffisante. C’est ainsi qu’a été créée une sorte de monnaie fictive internationale, qui n’en est pas vraiment une, plutôt une « unité de compte« , exclusivement échangeable entre banques centrales et, à l’origine, fondée sur le seul dollar. Aucun particulier, aucune société n’ont jamais détenu ou échangé de DTS.

A l’origine, un DTS était équivalent à une once d’or et valait 35 $.

Après le coup d’Etat monétaire de Richard Nixon le 15 août 1971 et la fin du « Gold Exchange Standard« , le FMI s’est employé trouver un nouvel étalon, afin de remplacer l’once d’or remisée au rang de métal ordinaire. Le DTS fut alors fondé sur un « panier » de devises dénommées, aussi pompeusement qu’abusivement, « or papier« .

Il est à noter que c’est toujours à des dates choisies d’une manière particulièrement judicieuse que l’empire américain opère ses coups de main contre le reste du monde: la veille de Noël, le 23 décembre 1913 avec la création de l’escroquerie de la FED, alors que les députés étaient déjà dans leurs circonscriptions respectives (voir: Aux sources de l’escroquerie de la Réserve Fédérale, Le machiavélisme des hécatonchires* de la finance internationale), le 15 août 1971 au milieu des somnolences vacancières de l’été et des ministères dépeuplés. Il serait prudent de surveiller le 15 août 2016.

Le « panier » de devises qui compose le DTS contient aujourd’hui, le dollar américain, l’euro, la livre anglaise, le yen japonais et, à partir du 1er octobre 2016, s’y ajoutera le yuan (renminbi) chinois. Je reviendrai ultérieurement sur les raisons pour lesquelles les Chinois ont jugé qu’il était momentanément profitable à leur économie de se joindre au club des faux-monnayeurs atlantistes.

Mon but n’est pas d’exposer dans ses détails le fonctionnement du FMI. On ne peut que souscrire à des principes généreux, mais dont la mise en pratique ne crève pas les yeux. En revanche, il est impossible de ne pas constater à quel point un système monétaire simple fondé sur un référent stable, accepté par tous, est progressivement devenu, avec l’invention des DTS, une gigantesque et imposante usine à gaz avec un personnel pléthorique, grassement rémunéré. L’institution s’auto-justifie, aux yeux du profane, par sa propre masse immobilière et l’importance de son personnel. Qui peut nier que le FMI est un organisme important puisqu’il est matérialisé par deux immeubles impressionnants, des ruches dans lesquelles s’activent près de trois mille employés et que sa directrice jouit de la coquette rémunération de 521 000$ annuels non soumis à l’impôt, sans compter les avantages annexes.

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Les deux immeubles du FMI à Washington

Il faut bien, en effet, cette masse d’employés pour gérer le semblant de stabilité censé résulter du mouvement brownien de quatre, puis cinq monnaies fluctuantes entre elles et tenter d’en répercuter les conséquences économiques sur les utilisateurs de ce grand meccano.

Mais l’essentiel du projet politique demeure caché.

C’est précisément la complexité de ce meccano qui a permis aux Etats-Unis de continuer à diriger le système monétaire en sous-main. Ainsi, non seulement les pays membres ont été expressément interdits de lier leur monnaie à l’or comme il est précisé ci-dessus, mais bien que le DTS soit défini comme étant composé d’un « panier » de monnaies nationales et qu’il correspond à la somme de 0,423 euros, 12,1 yens japonais, 0,111 livre sterling et 0,66 dollar US – ce montant ayant été évalué avant l’entrée du yuan dans le « panier » et à ce moment-là, la monnaie chinoise représentera environ 10% de la valeur du panier et le poids des autres monnaies diminuera en conséquence – le fait important demeure que la valeur du DTS, affichée chaque jour sur le site du FMI, est exprimée exclusivement en dollars.

De plus, la plupart des pays bénéficiaires qui ont utilisé des DTS les ont demandés en dollars.

C’est ainsi que loin d’avoir affaibli le dollar, l’invention du DTS a renforcé son rôle comme monnaie internationale incontournable, et cela non pas en raison de la situation brillante de l’économie américaine, mais parce que sa politique extérieure, essentiellement dictée par le Pentagone et les menaces d’interventions militaires tous azimuts qu’elle fait peser sur la planète, terrorise encore un grand nombre d’Etats. Un empire agonisant est une bête blessée. Il est prêt à tout pour conserver son hégémonie.

La suprématie du dollar s’est donc poursuivie sous le camouflage du DTS. Par la même occasion, la complicité tacite du FMI dans la mise en place de ce mécanisme a permis de maintenir la domination des Etats-Unis sur tous les échanges commerciaux mondiaux alors que, dans le même temps, le Pentagone, par l’intermédiaire de son bras armé en Europe, l’Otan, prédisait jour après jour l’imminence d’une IIIe guerre mondiale contre le « nouvel Hitler » – à savoir la Russie de Vladimir Poutine – l' »ennemi éternel » comme l’appelait l’inénarrable Général Breedlove, commandant en chef de l’armée d’occupation américaine en Europe.

L’armée et la monnaie sont les deux mamelles de la domination de l’empire.

4– Le naufrage du FMI

De même que les promesses n’engagent que ceux qui y croient, les principes du Fonds monétaire, qui interdisent de fournir toute nouvelle aide à un pays qui ne remboursait pas, à la date impérativement prévue, une dette antérieurement souscrite à l’égard d’un Etat ou du FMI lui-même – et appelée dette souveraine – ces principes, dis-je, n’ont d’existence que dans un monde de bisounours. Un Etat qui ne respectait pas ses obligations devait, d’après les règles du FMI lui-même, être déclaré en faillite. Le Fonds se trouvait, en conséquence, dans l’obligation de s’interdire de fournir à ce type d’Etat toute aide financière nouvelle, et cela jusqu’à ce que l’Etat-failli se soit acquitté de sa dette souveraine. Dura lex, sed lex

Qui ne se souvient de la violence des pressions exercées sur le gouvernement grec et les interminables négociations du duo grec Tsipras-Varoufakis afin d’obtenir une annulation, même partielle, ou du moins un report ou une renégociation d’une dette souveraine à l’égard du FMI et de dettes privées à l’égard de plusieurs banques européennes, que la Grèce n’avait pas les moyens de payer à la date prévue, sauf à pressurer encore un pays déjà exsangue?

Mais le trio d’huissiers composé d’un fonctionnaire du FMI, d’un représentant de la BCE et d’un autre de la Commission européenne, envoyés sur place et soutenus en coulisses par le duo allemand Merkel-Schaüble, fut intraitable. Il fallut payer, sinon c’était la faillite immédiate et surtout la menace d’expulsion de l’Union européenne, dont les Grecs ne voulaient pas. Les Grecs déjà paupérisés acceptèrent de se serrer encore davantage la ceinture afin d’obtenir de leurs bourreaux l' »aide » – qui ne fit qu’augmenter la dette antérieure – mais qui leur permit d’acquitter leur « dette souveraine » au FMI. Dura lex, sed lex.

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Pas de nouveaux milliards pour la Grèce!

En politique, comme dans la société civile, les lois sont intraitables envers les petits. La Grèce est un petit pays, de plus c’est une nation orthodoxe et pire encore, amie de la Russie. Rien d’attrayant ne mobilisait l’indulgence des vassaux européens, l’attention affectueuse de l’empire ou celle des institutions financières à son service

Or, le 20 décembre 2015, les si rigoureux principes du FMI se sont brusquement révélés plus mous qu’un cramel mou et particulièrement élastiques.

Ainsi, lorsque l’Ukraine, grand pays autrefois riche, mais pillé par ses oligarques, que l’empire américain utilise afin de tenter de frapper la Russie économiquement et militairement, refusa de rembourser sa dette souveraine de 3 milliards de dollars à la Russie – dette qui arrivait à maturité le 20 décembre 2015 – le FMI in corpore s’empressa de modifier sur le champ ses statuts prétendument déclarés inamovibles. Seuls 2,39% des vingt-quatre représentants du Conseil d’aministration du FMI s’opposèrent à cette nouvelle règle, dictée par le gouvernement américain, afin de nuire à « l’ennemi russe« .

A la suite de quoi, Mme Lagarde offrit à un M. Porochenko en extase un chèque de 1,7 milliards de dollars.

Qu’en pensent les Grecs?

Le veau d’or américain a encore de la ressource et l’étable du FMI est accueillante à ses conseils intéressés.

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Extase: Mme Lagarde offrant le chèque du FMI au président ukrainien (photo Reuters)

Et pendant ce temps-là…

Pendant ce temps-là, le FMI, la Banque africaine de développement (BAD) et l’Union européenne (UE) ont coupé les vivres à la Guinée-Bissau, coupable de n’avoir pas respecté les règles sacrées des institutions financières internationales et d’avoir tenté de sauver ses banques. Dura lex, sed lex.

Peu de gens sauraient situer ce petit Etat africain sur la mappemonde, mais tout le monde se doute que, n’ayant pas de frontière commune avec la Russie, ce pays minuscule et pauvre n’intéresse ni le FMI, ni l’UE, ni M. Kerry, ni M. Biden, le vice-président des Etats-Unis, le si grand ami du Président ukrainien et que, par conséquent, les règles du FMI peuvent s’y appliquer dans toute leur rigueur.

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Le grand amour: Nez à nez le président Porochenko et le vice-Président Biden

C’est ainsi que M. Obama utilise Mme Lagarde et les moyens du FMI au service de sa politique belliqueuse à l’encontre de la Russie et témoigne de l’acharnement de l’empire à tenter, par tous les moyens, d’écraser toute concurrence à son hégémonie.

Les interprétations de cette ultime décision politique du FMI furent diverses, et ne firent que traduire le degré de soumission au veau d’or américain.

Cependant les Ukrainiens n’ont pas tardé à s’apercevoir que les « cadeaux du FMI » ont un goût amer. Le 6 juillet 2016, une population en colère bloquait le centre de Kiev afin de protester contre le doublement, conformément aux exigences du FMI, des prix du gaz, de l’électricité, des services publics, tous ces tarifs devant être mis « au niveau de ceux du marché« . Dura lex, sed lex.

«Timeo Danaos et dona ferentes» (Je crains les Grecs (le FMI), même quand ils apportent des cadeaux) (Enéide, Livre II, v.49)

Il n’en demeure pas moins que la modification des statuts du FMI pour de sombres motifs géopolitiques est une palinodie peu glorieuse d’un organisme officiel. C’est peu de dire qu’elle affaiblit sa réputation morale ainsi que son prestige. Elle a, de plus, provoqué un véritable chambardement dans les finances mondiales. « La decision du FMI permet aux autres acteurs ayant des dettes souveraines de réinterpréter librement leurs obligations. C’est une vraie bombe à retardement pour tout le système financier international« , écrivait alors M. Andreï Margoline, vice-recteur de l’Académie présidentielle russe d’économie.

Cette dernière modification des statuts du FMI sous la pression de la Maison Blanche signe à la fois le naufrage du FMI et la nécessité de repenser le système monétaire international dans sa totalité.

Certains mauvais esprits prétendent même avoir lu, sur la porte du bureau de la directrice du FMI: « Porochenko m’a tuer ».

(à suivre) : Où se cachent les centres de décision?

http://aline.dedieguez.pagesperso-orange.fr

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