Coup d’état préventif d’Obama au Burkina Faso
Où l’on apprend qu’entre Obama et le Burkina Faso c’est une histoire qui ne date pas d’hier. Les admirateurs africains d’Obama risquent d’en prendre un coup, surtout s’ils font partie de ceux nombreux qui admirent Sankara.
Wayne MADSEN
Après qu’un soulèvement populaire a contraint Blaise Compaoré, dictateur du Burkina Faso soutenu depuis 27 ans par les États-Unis et la France, à abandonner le pouvoir, le président Barack Obama devait agir vite. La Maison Blanche voulait en effet s’assurer que les fidèles du prédécesseur assassiné de Compaoré, l’icône marxiste Thomas Sankara que la mère d’Obama Ann Dunham Soetoro, de l’U.S. Agency for International Development (USAID) / Central Intelligence Agency (CIA), peut avoir contribué à renverser en 1987, ne reviendraient pas au pouvoir.
L’U.S. Africa Command (AFRICOM), dont le quartier général se trouve à Stuttgart, est rapidement entré en action afin de s’assurer que le lieutenant-colonel Isaac Zida serait désigné par les militaires burkinabés comme président « par intérim » du Burkina Faso.
Obama, le directeur de la CIA John O. Brennan et l’AFRICOM craignaient que le principal parti d’opposition, l’Union pour la Renaissance du Mouvement Sankariste (UNIR/MS) ne forme un nouveau gouvernement. Bénéwendé Stanislas Sankara, leader de l’UNIR/MS, proche de l’ancien président Thomas Sankara et conseiller juridique de la famille Sankara, avait en effet de très bonnes chances de devenir le nouveau président.
Toutefois, Zida, diplômé de l’U.S. Joint Special Operations University, de la base aérienne McDill de Tampa, en Floride, et formé à l’espionnage militaire au Botswana par l’AFRICOM, a été appelé
promptement par le gouvernement Obama pour remplacer Compaoré, parti se réfugier en Côte d’Ivoire. Le président ivoirien, Alassane Ouatarra, dont la mère est née au Burkina Faso, est d’ailleurs considéré comme un pantin virtuel de la Banque Mondiale, du Pentagone et d’Israël.
Le Burkina Faso dirigé par l’ami d’Obama Compaoré a permis l’ouverture d’une base de drones étatsunienne dans le pays, opération portant le nom de code CREEK SAND, et d’un centre régional réunissant les services d’espionnage classé secret rattaché à l’ambassade des États-Unis, qui porte le nom de code AZTEC ARCHER.
Bases de drones U.S. en Afrique
Affectée à l’une de ses obscures et officieuses couvertures d’espionnage à la Banque Mondiale, la mère francophone d’Obama travaillait au Ghana à l’époque où Sankara, qui se présentait comme le Che Guevara africain et avait justement affranchi le Burkina Faso de la tutelle de la Banque Mondiale, était assassiné par l’armée du capitaine Compaoré et ses officiers rebelles. Compaoré avait alors ordonné que le corps de Sankara soit démembré et enterré dans une tombe anonyme. Compaoré a pris le contrepied de toute la politique de Sankara.
Sankara s’était attelé à démembrer tout l’héritage colonial français qui continuait d’ailleurs de désigner le pays par le nom de Haute Volta. Il l’avait rebaptisé « Burkina Faso », et avait nationalisé les secteurs d’activité sous contrôle étranger. Compaoré, dès son arrivée, a rejoint la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International, privatisé les entreprises nationalisées par Sankara et s’est empressé de renouer des relations étroites avec la France et les États-Unis.
La présence de la mère d’Obama à Accra pendant le coup d’état de 1987 au Burkina Faso n’est pas sans évoquer sa présence si opportune à New York en 1985, lorsqu’elle travaillait à la Fondation Ford. En 1985, la CIA décide de renverser le président de gauche du Surinam, Desi Bouterse.
Pour ce faire, elle s’assure le soutien d’hommes d’affaires originaires du Surinam, dont une majorité vivait à New York. La mère d’Obama, qui parle le javanais depuis l’époque où elle vivait en Indonésie, peut coordonner les opérations anti-Bouterse avec les expatriés surinamiens. La plupart parlent en effet cette langue du fait de l’afflux de Javanais dans les Indes Orientales Néerlandaises à l’époque des colonies.
Le Président Obama a studieusement profité du « bagage » acquis par sa mère dans les pays où elle était en activité clandestine. Il a refusé de rencontrer Bouterse, réélu président du Surinam en 2010. En 2013, le fils de Bouterse, Dino, qui voyageait avec un passeport diplomatique, a été arrêté par la DEA (Drug Enforcement Administration) au Panama et traîné devant un tribunal de New York sur la base d’accusations fumeuses d’aide au Hezbollah.
Obama a également ordonné que des pressions financières soient exercées sur l’Indonésie après l’intronisation du président Joko Widodo.
La baisse des cours du pétrole, considérée comme le résultat de manipulations de Wall Street, a nui à la Russie et à l’Iran, mais également à l’Indonésie. Lors d’une élection contestée, celui que le peuple appelle affectueusement Jokowi l’a emporté sur son opposant, le général en retraite Prabowo Subianto.
Le beau-père indonésien d’Obama, le lieutenant-colonel en retraite Lolo Soetoro formé par les militaires U.S. aux États-Unis à l’instar du nouveau dictateur du Burkina Faso, Zida, a avec la mère d’Obama soutenu le coup d’état organisé en 1965 par la CIA contre le président indonésien Sukarno. Jokowi était le candidat choisi par Megawati Sukarnoputri, la fille de Sukarno, elle-même ancienne présidente de l’Indonésie.
Concernant le Burkina Faso, le Surinam et l’Indonésie, Obama et le directeur de la CIA, Brennan, font tout pour que l’héritage et le bagage politique d’Ann Dunham soient gravés dans le marbre de la politique étrangère étatsunienne.
Si les Sankaristes étaient revenus au pouvoir à Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, on aurait sans doute assisté à un règlement de compte avec les États-Unis. L’avenir de l’U.S. Joint Special Operations Air Detachment, qui commande les drones dans toute la région saharienne depuis l’aéroport international de Ouagadougou, aurait pu être menacé, sans parler de l’énorme centre fédérant les opérations militaires et d’espionnage U.S. de l’ambassade.
Sankara, qui admirait Fidel Castro et le président nicaraguayen Daniel Ortega, était une cible toute désignée pour la CIA. Ses héritiers politiques burkinabés restent d’ailleurs dans la ligne de mire de Langley [siège de la CIA].
En octobre 1987, Sankara a rendu hommage à Che Guevara lors d’une cérémonie commémorant le 20e anniversaire de l’exécution du leader révolutionnaire cubain par un commando de la CIA dépêché en Bolivie. En hommage aux idéaux révolutionnaires du Che, Sankara a rappelé que « on peut tuer les révolutionnaires, mais pas les idées ». Lorsqu’il a décidé de refuser les prêts du FMI et de la Banque Mondiale, Sankara a déclaré lors d’une conférence de presse : « Nous devons parler d’une seule voix et affirmer que cette dette ne pourra pas être honorée.
Et comme je suis le seul à le dire, je serai assassiné. Nous devons être solidaires. Nous ne pouvons pas payer, car nous devons bâtir l’avenir de notre peuple. Si le Burkina Faso est le seul à refuser de payer, je ne serai pas ici à la prochaine conférence. »
Deux semaines après avoir fait ces remarques, le 15 octobre 1987, son commandant adjoint Compaoré — encensé depuis à maintes reprises aux États-Unis par Obama — entrait dans son bureau et le tuait de deux balles tirées à bout portant. Sankara s’est effondré dans son fauteuil et est mort sur le coup.
Compaoré avait coordonné son coup d’état avec l’antenne de la CIA installée à l’ambassade étatsunienne de Ouagadougou et celle de la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure), à l’ambassade de France. Le Mossad a également été fortement soupçonné d’être impliqué dans le coup d’état.
Une voix s’est tue.
Elle appartenait à un homme de conviction : « Au service de la révolution, l’Armée Populaire Nationale n’aura pas de place dans ses rangs pour tout soldat coupable de s’être montré arrogant, méprisant ou brutal envers son peuple… nous lutterons contre tous ceux qui affament le peuple, qui spéculent sur les produits agricoles et contre les capitalistes de toutes sortes… les soins de santé seront accessibles à tous… le commerce avec les autres pays se pratiquera sur un pied d’égalité et sera mutuellement bénéfique… je suis empli d’indignation lorsque je pense aux Palestiniens, qu’une humanité inhumaine a décidé de remplacer par un autre peuple — un peuple martyrisé hier encore… je souhaite également rester proche de mes camarades du Nicaragua, dont les ports sont minés, les villages bombardés et qui, malgré tout, affrontent leur destin avec courage et lucidité… le comportement le plus pitoyable et affligeant — oui, le plus affligeant — en termes d’arrogance, d’insolence et d’aveuglement est celui d’un petit pays du Moyen-Orient, Israël. Avec la complicité de son puissant protecteur, les États-Unis — qu’aucun mot ne peut qualifier —, Israël n’a eu de cesse de défier la communauté internationale depuis plus de vingt ans… Les idées ne meurent pas. »
En installant Zida dans le fauteuil présidentiel à la place de Compaoré, Obama et l’AFRICOM s’assurent que les Sankaristes ne citeront plus jamais Che Guevara, Castro ou Thomas Sankara sur les places publiques du Burkina Faso.
Wayne MADSEN
Traduit par Gilles Chertier pour Réseau International
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