La nouvelle stratégie d’Obama ou la fin de la suprématie militaire des Etats-Unis

Les deux points essentiels de la nouvelle stratégie militaire états-unienne démontrent combien la dislocation géopolitique mondiale est une réalité et que la transition géopolitique planétaire passant de l’ère unipolaire à l’ère multipolaire semble être à présent pleinement effectif. Le rééquilibrage des puissances se poursuit sans réel obstacle. L’issue reste encore une énigme. Raymond Aron dirait « L’âge des guerres s’achèvera-t-il en une orgie de violence ou en un apaisement progressif ? [...] nous savons que nous ne savons pas la réponse à cette interrogation. »

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Même si le cadre strict de l’analyse demeure de l’ordre géopolitique, la géopolitique ne répond plus aux analyses de cette époque charnière car il s’agit avant tout d’une ère psycho politique où, par exemples, Al-Qaïda est à la fois l’allié ici (Libye) et l’ennemi là-bas (Af/Pak) ou là où les administrations politiques (Obama, Netanyahou, Cameron) souhaitent un conflit (pour leur survie selon leur contexte individuel) contre l’Iran tandis que les agences de renseignement (CIA, NSA, Mossad) s’y opposent ouvertement.

1/ Avec cette nouvelle stratégie militaire, il nous apparait comme fini le temps des guerres impérialistes états-uniennes à profusion. Washington n’est plus en mesure de se permettre, faute de moyens, de livrer plusieurs conflits simultanément. Ceci ne prend évidemment pas en compte les opérations spéciales et clandestines dans près d’une centaine de pays. Doit-on en conclure une réduction de l’interventionnisme ? De plus, à l’ère numérique, comment et où classer une cyber guerre ?

D’une façon générale, on présente cette nouvelle stratégie comme une diminution de deux à “une guerre à la fois” par rapport aux capacités US de l’après-guerre. En réalité, ces capacités de l’après-guerre (à partir de 1945) étaient de “deux guerres et demi à la fois”, soit deux “grandes guerres conventionnelles” (type Europe et Pacifique en 1941-45) et une “guerre de basse intensité” à la fois. Aujourd’hui, il semble qu’on envisage, – à part le cas apocalyptique d’un conflit général et mondial dont nul ne sait plus ce que cela représente, – le passage de deux à une guerre “de basse intensité”, soit de deux à “une demie guerre” selon la terminologie des années 1945-1970. On serait donc passé de “deux guerres et demi à la fois” à une seule “demie guerre”. Ainsi devrait-on prendre bonne mesure de la chute de la puissance US, par rapport à sa sortie éclatante du deuxième conflit mondial [1].

Si les Etats-Unis pouvaient livrer jadis deux grandes guerres conventionnelles et une guerre de basse intensité – soit un rapport de 2,5 – aujourd’hui le Pentagone est, semble-t-il, contraint de ne livrer plus qu’une seule guerre de basse intensité – soit un rapport de 0,5. Ce qui signifie, par conséquent, que le rapport est passé ou, les termes préférables, a grandement décliné de 2,5 à 0,5, en l’espace de sept décennies. On perçoit ici le poids de l’échec des négociations de réductions budgétaires du « Super Congrès » suite au relèvement du plafond de la dette états-unienne.

2/ Si Washington perd, ou a perdu, le contrôle partiel de l’Eurasie (surtout au centre et en Extrême-Orient) qu’il conviendrait bien mieux de dire que le domination des Etats-Unis en Eurasie centrale et extrême-orientale n’existe plus que dans les livres d’histoire, l’impérialisme militaire combat toujours pour éviter de perdre l’Océan Pacifique et maintenir ainsi le statut de forteresse des Etats-Unis, désireux (et cela dans sa grande hantise paranoïaque d’une invasion, comme au temps de la Guerre Froide, ou de voir un sous-marin étranger lanceur d’engins mouiller près de ses eaux territoriales) de protéger ses côtes Est (Océan Atlantique) et Ouest (Océan Pacifique).

Et bien que tout stratège qui se respecte sait qu’aucune forteresse n’est imprenable, elles sont seulement mal attaquées, dans le cas des Etats-Unis, il s’agit d’avantage d’un risque majeur d’implosion sociale plutôt que d’une invasion étrangère qui représente la première menace à son effondrement voire sa sécession. Comme annoncé longtemps avant la mort officielle du cheikh Oussama Ben Laden, le voile s’est enfin déchiré et la Chine, dont la puissance militaire grandit dans l’Océan Pacifique, est devenu l’ennemi tout désigné. D’un côté, cette volonté d’afficher ouvertement la poursuite de l’endiguement de la Chine est parfaitement logique puisque Washington et Pékin se livrent une guerre de quatrième génération ou guerre hors limites, qui passe également par la communication et que les Etats-Unis ont l’habitude de désigner un ennemi comme avertie par Hillary R. Clinton dans son long article intitulé « America’s Pacific Century ».

La puissance de feu et la technologie sans la stratégie ne sont rien, et pour preuve un vulgaire brouillard de sable ou de neige peut empêcher toute observation d’un drone de reconnaissance ou de surveillance. Un simple cd-rom, avec le programme SkyGrabber, vendu à 26 $ sur internet ou un quelconque marché irakien a pu pirater un drone valant plusieurs millions de dollar – le cout unitaire d’un drone RQ-1 Predator est estimé à 4,5 millions de dollars. L’Irak vivait sous embargo depuis plus d’une décennie avant le déclenchement de la guerre d’Irak par George W. Bush et l’Afghanistan avait un armement obsolète datant de la Guerre Froide. L’un comme l’autre, dans ce type de guerre asymétrique qu’il importe de toujours préciser, ont su montrer que la puissance de feu, les moyens (en hommes notamment) et toute la technologie de pointe du monde ne suffisaient pas pour l’emporter.

Ainsi, peut-on dire qu’il est possible et acceptable d’officialiser le déclin militaire des Etats-Unis – après l’échec irakien, le fiasco afghan et surtout l’impossible victoire de la guerre contre le terrorisme car on ne peut remporter de victoire dans une guerre contre une tactique (le terrorisme est une tactique), seulement quelques succès relatifs et seulement contre un ennemi parfaitement désigné, en l’occurrence le terrorisme islamiste -, rejoignant les déclins économique, politique et social, et d’admettre que notre époque charnière connait bel et bien une dissolution de l’impérialisme états-unien, et par extension un effondrement de l’actuel système international qui est, par essence, le Système.

Si la véritable question n’est pas, dans l’immédiat, de savoir comment sera le prochain système international du fait que nous en sommes encore loin, la bonne question à se poser est de savoir quel sera le chemin que feront les Etats-Unis pour se soumettre à cette réalité inéluctable. Est-ce que ce sera la voie de la guerre, donc le déni en poursuivant avec leur conduite hégémonique actuelle ou la voie de la sagesse en se hissant comme partisan de l’équilibre pacifique de la planète et en décidant enfin à s’occuper des autres dossiers urgents comme la crise financière et la crise climatique ? 2012 nous aidera peut-être à discerner la voie choisie. Peut-être pas.

par Saïd Ahmiri pour le MecanoBlog

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