Arabie-Qatar : Le Lion et le Moucheron

René Naba

 

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Arabie-Qatar: Le Lion et le Moucheron

 

Sur fond de vive tension internationale suscitée par la controverse à propos de l’usage des armes chimiques en Syrie, l’Arabie saoudite et le Qatar, les frères ennemis wahhabites, poursuivent leur guerre picrocholine, à l’ombre de leurs derricks respectifs, pour le leadership régional du titre envié de principal commanditaire du mercenariat djihadiste.

 

«Va-t’en chétif insecte excrément de la terre». C’est en substance l’interjection que l’Arabie saoudite a assénée à son minuscule voisin lors d’un débat sur la fourniture d’armes lourdes aux rebelles syriens. L’offense portait la marque d’une personnalité éminente du Royaume, le prince Bandar Ben Sultan.

 

D’un terme méprisant, le chef des services de renseignements, le nouveau maitre d’œuvre de la révolution à l’échelle du Monde arabe, a expédié le rôle du Qatar dans le ravitaillement de la rébellion syrienne. «Le Qatar…tout juste une population de 300 personnes et une chaine de télévision et ceci ne suffit pas pour constituer un pays», par allusion Al Jazira, qui eut longtemps un rôle prescripteur de l’opinion arabe avant de se dévoyer dans la couverture des combats de Libye et de Syrie.

 

Bandar a ainsi voulu signifier son mécontentement de la livraison, via la Turquie, par le Qatar de missiles thermiques à l’opposition islamiste.

 

Le propos rapporté par le journal conservateur américain Wall Street Journal n’a pas été démenti par l’intéressé, au point que des intellectuels et des académiciens qatariotes se sont étonnés de l’absence de réaction officielle saoudienne à ce qu’ils ont considéré comme une «atteinte à la dignité du Qatar, son état et son peuple».

 

Contrairement à tous les usages diplomatiques, le premier à porter la polémique sur la place publique a été, Khaled Attiyah, le nouveau ministre des affaires étrangères du Qatar en personne: «Un citoyen du Qatar vaut à lui seul tout un pays et le peuple du Qatar vaut la totalité d’une nation (arabe ou islamique).Voilà ce que nous enseignons à nos enfants. Avec mon entière considération». Et l’Affaire amplifiée par le journal «Al Qods Al Arabi» (1).

 

L’Arabie saoudite et le Qatar multiplient, en effet, par voie de presse, les assauts d’amabilité, dont la perfidie illustre le degré d’animosité atteint entre les frères ennemis wahhabites, en rivalité exacerbé pour le leadership arabe depuis le déclenchement des soulèvements populaires arabes en 2011-2012.

 

Latente depuis la destitution feutrée du souverain cheikh Hamad Ben Khalifa,

en juin dernier, l’animosité saoudo-qatariote a éclaté au grand jour avec les propos peu amènes attribués au Prince Bandar Ben Sultan sur le Qatar. Même le risque d’embrasement régional suscité par l’affaire des armes chimiques de Syrie n’a réussi à décourager ce conflit d’égo.

 

Le Qatar avait pourtant multiplié les gestes de bonne volonté à l’égard de l’Arabie saoudite pour tenter de calmer son courroux. Le nouveau souverain, le prince Tamim, a réservé sa première visite officielle au Royaume, qui plus est le jour de la fête d’Al fitr, qui marque traditionnellement la fin du mois du jeûne du Ramadan et son ministre des affaires étrangères, faisant contre mauvaise bon cœur, a été une des premières personnalités politiques arabes à se rendre en visite officielle en Egypte, lui fournissant même plusieurs cargaisons de Gaz liquide, en dépit du fait de l’éviction de son protégé, Mohamad Morsi, premier président issu de la confrérie des Frères Musulmans, démocratiquement élu. En vain.

 

Visiblement, l’Arabie ne pardonne toujours pas au Qatar, minuscule en dépit de ses riches gisements gaziers, d’avoir voulu se substituer à son leadership du Monde arabe à un moment où la dynastie wahhabite faisait face à de difficiles échéances successorales avec le décès en l’espace d’un an de deux princes héritiers (Sultan et Nayef Ben Abdel Aziz), en s’arrogeant même un rôle primordial dans la conduite de la contre-révolution arabe, de même que son soutien résolu aux Frères Musulmans, les anciens alliés des Saoudiens, devenus leur bête noire.

 

Face à l’enlisement du conflit syrien, aux dérives djihadistes en Libye et en Tunisie, à la montée en puissance des Frères Musulmans en Egypte, l’Arabie saoudite a repris le commandement des opérations imposant un pro saoudien à la tête de l’opposition off- shore syrienne, Ahmad Jarba, un chef de tribu appartenant à la même confédération tribale que le Roi Abdallah, le clan Al-Shammar, épaulant l’armée égyptienne à évincer le néo-islamiste Morsi de la tête de l’état égyptien, imposant un prince à demeure en Jordanie, pour le financement et le ravitaillement de l’opposition syrienne off-shore.

 

Fruit d’une copulation ancillaire du Prince Sultan Ben Abdel Aziz, l’ancien «Great Gatsby» de la vie diplomatique américaine, s’est imposé comme l’homme fort du Royaume du fait de la maladie d’une large fraction de l’équipe dirigeante frappée de pathologie handicapante, que cela soit le Roi Abdallah d’une lourde cardiopathie que le prince héritier Salam, atteint d’Alzheimer, voire même le ministre des Affaires étrangères Saoud Al- Faysal.

 

Bandar serait le nouvel homme providentiel de la stratégie saoudo américaine. Selon Le Wall Street Journal, beaucoup d’observateurs américains considèrent que Bandar pourra réussir là où la CIA a échoué, avec ses cargaisons ininterrompus d’armes, d’argent et sa capacité de mise sous tutelle des combattants islamistes.

 

Al Qods Al-Arabi, qui a rapporté en détail cette information en date du 29 aout 2013, a lui-même fait l’objet d’une déstabilisation dans la foulée de la destitution de l’Emir du Qatar le 25 juin dernier. Le journal est passé sous contrôle de l’ancienne équipe dirigeante du Qatar qui souhaite en faire le porte-voix des néo islamistes tant dans le Monde arabe qu’au sein des locuteurs arabophones de l’Europe occidentale et du continent nord-américain.

 

Ou pour parasiter le rôle de l’Arabie saoudite, en doublon avec Al Jazira? Prématuré de répondre à cette question.

 

Le fondateur et propriétaire du Journal Abdel Bari Atwane a, lui, annoncé sa démission sans crier gare, au lendemain de la destitution de l’ancien Emir, moyennant un dédommagement de l’ordre de 19 millions de dollars, selon des informations parues dans la presse jordanienne.

 

«Un combattant expérimenté apte à créer les conditions de la chute d’Assad», soutient le Wall Street Journal a propos de Bandar, selon «Al Qods Al Arabi».

 

Affaire à suivre.

 

Références

Journal Al Qods Al Arabi en date du 29 Août 2013 : http://www.alquds.co.uk/?p=79163

 

Pour aller plus loin :

 

http://www.renenaba.com/la-fin-sans-gloire-du-deus-ex-machina-de-la-revolution-arabe/

 

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